LittératureLa petite anecdote de
Crédit photo : Atwood
On m’a souvent demandé si c’était moi sur la couverture du livre.
(On m’a aussi demandé si ces points sur le bas du matelas, ce sont des punaises de lit.
Erk. Ce sont des mousses. DES MOUSSES!)
La réponse est non.
Même si ça me ressemble (allô les poilu.e.s), je me suis gardé une gêne.
Déjà que je me mets en scène en masse dans le livre, que j’y décris mes séances de selfie (un exercice que je serais super curieux d’étudier chez des grand.e.s influenceur.euse.s: comment ça se passe entre deux prises, au moment où tu te rends compte que ta voisine te regarde par la fenêtre ou que ton jock te remonte dans’ crack juste quand ça fait click? Y’a pas grand-chose de plus intime et vulnérable qu’un entre-deux-photos)… Bref, déjà que je suis pas mal nu dans les textes, j’ai préféré demander à l’artiste espagnol Gonza Gallego de me prêter ses fesses (littéralement: c’est lui qui s’agenouille sur l’autre).
Mais en fait, si j’avais fait cette photo, j’y aurais ajouté quelque chose. Ou plutôt quelqu’un.
Parce que quand j’ai fini d’écrire Le bleu des garçons, j’ai fait un deuxième coming-out: je suis polyamoureux (la possibilité d’aimer de manière romantique – et/ou sexuelle, c’est selon– plus d’une personne).
Je m’en souviens, ma mère me ramasse chez mon ex avec qui je viens de rompre, on descend la côte Salaberry à Québec, je pleure et morve (une chance qu’elle a un petit paquet de Kleenex dans le coffre à gants), elle me demande pourquoi ça ne fonctionne plus, et je lui réponds, sans détour, comme ça: «J’ai besoin de donner mon amour à qui je veux, peu importe le nombre de “qui” ».
Mon ex voulait l’exclusivité. Je respecte ça. Mais je devais apprendre à me respecter aussi, ce que j’avais trop longtemps mis de côté.
Tout ça est arrivé pile-poil (pun intended) après mon point final. J’ai relu, tout relu, et c’était toujours en filigrane, la douleur de cette main libre qui espère accrocher une troisième personne. Et perpétuer la chaîne.
Faque, si j’avais pris la photo de ma couverture, j’y aurais rajouté une troisième paire de jambes.
Mais là encore, y’a pas grand-chose de plus intime et vulnérable qu’un entre-deux-photos. Alors, je préfère garder les cuisses de mes amoureux pour moi.