LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Ève Lafontaine
Andréane, quand as-tu eu le déclic pour l’écriture et, plus spécifiquement, pour la poésie?
«Pour l’écriture, ça m’a toujours accompagnée, mais c’est à l’âge de faire des choix universitaires que cette manière de vivre s’est affirmée. J’écrivais alors déjà et un professeur m’a dit un jour que j’écrivais de la poésie. Encore aujourd’hui, la poésie me permet de chercher et d’avancer dans le doute, d’essayer des choses, de me tromper; c’est une posture qui me sied, elle se trouve loin des certitudes qui bien souvent nous aveuglent et empêchent toute nouveauté. La poésie me permet de penser et d’entrer en contact avec les autres.»
En 2018, tu as terminé ta maîtrise en études littéraires à l’UQAM. Depuis, tu publies notamment des textes dans les revues Estuaire et Littoral, tu travailles aux Éditions du Noroît, et tu donnes des ateliers d’écriture à l’Université du troisième âge de l’Université de Sherbrooke. Comment ces différentes activités te nourrissent-elles au quotidien, et comment entretiennent-elles ta passion pour la littérature?
«La poésie est au cœur de mes activités. On n’écrit pas seulement lorsque l’on se retrouve devant une page; on écrit lorsqu’on lit, lorsqu’on enseigne, lorsqu’on accompagne un auteur ou une autrice dans son propre travail. C’est-à-dire que ces choses aiguisent l’œil. Je me rends compte toutefois que mon écriture a besoin d’espace, et si des activités professionnelles entourant la littérature nourrissent mes réflexions et ma langue, il me faut aussi parfois tout arrêter pour entendre ce qui se passe en moi et autour. Il me faut rompre avec mes habitudes pour écrire: pour moi, c’est dans la rupture que le langage poétique surgit.»
Ton deuxième recueil de poésie, Sestrales, est paru ce 10 mars aux Éditions du Noroît. Peux-tu nous en dire plus sur la signification de ce titre et sur le fil conducteur de cet ouvrage?
«Sestrales provient du néologisme «sestralité», un synonyme de «sororité», mais qui met davantage l’accent sur le lien entre deux femmes dans un contexte d’entraide et de survie à l’intérieur d’un mode de vie en forêt. De là, la sestralité suppose un geste créateur pour œuvrer dans des conditions extérieures parfois inhospitalières, mais très proches de l’humain tapi derrière certaines de nos manières civilisées devenues incivilités. Très proches du vivant, en somme, et en dehors de toute condition de sexe genrée.»
Selon toi, qu’est-ce qui différencie – ou au contraire rapproche – Sestrales de ton précédent ouvrage, Juillet, le Nord, tant du point de vue de tes inspirations, des thématiques abordées ou du ton adopté?
«Les deux projets sont nés de ce que la Côte-Nord offre à ma respiration, soit de la lenteur et de l’isolement. C’est pourquoi mes poèmes sont petits: ils esquissent des images à la fois concrètes et intimes, voire philosophiques, dans une approche féministe du monde. Chaque projet, Sestrales et Juillet, le Nord, a son propre souffle et sa propre histoire, mais dans les deux cas, on baigne dans un vocabulaire de la flore et de la faune minganiennes, puis dans les deux cas, un fil narratif lie l’ensemble et tisse tout au long du recueil une intrigue. Le second recueil se distingue néanmoins du premier par un approfondissement des questions liées à la solitude: si Juillet, le Nord met en scène une voix de l’errance qui cherche à entrer en contact avec l’autre et qui fusionne avec la nature, la (ou les) voix de Sestrales accepte d’y renoncer et consolide son identité dans cette absence d’ancrage.»
Si tu avais carte blanche, avec quel.le grand.e poète.sse (toutes époques confondues) aimerais-tu t’entretenir, et pourquoi?
«Je vous écris depuis l’isolement exigé par la pandémie, semaine deux. Votre question suppose non seulement un intérêt d’écriture et la possibilité d’échanger sur ce qui se passe et sur ce qui viendra, mais elle suppose également du personnel. Je passerais volontiers un moment avec Louise Dupré, parce que je chéris le réel et que je la sais non loin (elle me tirerait aux cartes, c’était entendu) – et surtout parce que j’admire son travail: j’aime son audace discrète et son humanité.»