«The Broken Circle Breakdown (Alabama Monroe)» de Felix van Groeningen – Bible urbaine

CinémaCritiques de films

«The Broken Circle Breakdown (Alabama Monroe)» de Felix van Groeningen

«The Broken Circle Breakdown (Alabama Monroe)» de Felix van Groeningen

Rêves brisés

Publié le 14 novembre 2013 par Annabelle Moreau

Crédit photo : Cinéma L'Excentris

«Les histoires d’amour finissent mal en général» chantaient les Rita Mitsouko en 1985. Ces paroles semblent taillées sur-mesure pour le nouveau film de Felix Van Groeningen, The Broken Circle Breakdown, présenté jusqu’au 20 novembre au Cinéma Excentris. Entre conte western et histoire d’amour, le tragique n’est jamais bien loin dans l’univers du cinéaste flamand.  

«Ce qui me passionne depuis toujours, c’est l’Amérique. D’où que tu viennes, quand tu arrives là-bas, tu peux repartir de zéro. C’est un pays de rêveurs.» Celui qui parle, c’est Didier (Johan Heldenbergh). Il est joueur de banjo et chanteur dans un groupe de Bluegrass, et il tente de séduire la belle Elise (Veerle Baetens), patronne d’un salon de tatouages. Leur amour semble éternel dès les premiers instants, fusionnel et bercé par la musique (elle joindra le groupe comme chanteuse), mais avec l’amour viennent aussi le drame et le malheur.

Felix van Groeningen est passé maître ès tragédie et son nouveau long-métrage touche droit où ça fait mal. Déjà, en 2009 avec La merditude des choses, incroyable opus à propos d’une famille dysfonctionnelle où un jeune garçon tentait d’échapper à l’alcoolisme de son père et de ses oncles pour mieux s’épanouir comme écrivain. Avec Broken Circle Breakdown, une famille se forme pour mieux se déchirer ensuite.

C’est que le couple donne naissance à une petite fille, Maybelle, prunelles de leurs yeux, symbole de leur amour et de leur joie de vivre, mais la vie en décide autrement pour cette petite princesse country, qui devra aussi se battre contre un méchant cancer qui lui ronge l’intérieur, mais aussi détruit morceau par morceau l’amour de ses parents.

Malheur en vrac

Le film est fait de couches superposées de malheurs: il n’y a ni présent ni passé, mais des flashbacks savamment orchestrés vers l’horreur finale, ou plutôt les horreurs, car une ne vient pas sans l’autre. Felix van Groeningen bombarde, doucement au début, le spectateur, puis accélère le rythme jusqu’à toucher le tempo du stroboscope: en fait le malheur était là, bien enraciné, depuis le début de l’histoire d’amour d’Elise et Didier.

Un peu comme Derek Cianfrance l’avait fait en 2010 dans Blue Valentine, où un couple au bord de la rupture s’isolait dans une chambre d’hôtel avant de sombrer alors que des éléments clés du passé refont surface, dont cette magnifique scène où Michelle Williams exécute quelques pas de danse sur l’air du ukulélé de Ryan Gosling, le réalisateur flamand déballe un concentré puissant de la vie de Didier et Élise, et évite le piège du quotidien ou de la banalité pour mieux percer les racines du malheur.

The Broken Circle Breakdown, c’est le ballet tragique de deux êtres qui s’aiment et se déchirent, car au fond, qu’est-ce qui fait un meilleur film? L’histoire d’amour ou la chute vertigineuse avant la rupture? On a qu’à y ajouter un fond de country, musique par excellence des coeurs brisés, et le résultat donne un film poignant, intense et sans compromis.

La réalisation et la direction photo sont impeccables, l’ambiance western-belgo-américaine surannée sert d’écrin au drame, même si on étire un peu trop le mythe du rêve américain. Quelques répliques et échanges entre le couple peuvent paraître clichés, et certains flashbacks connus d’avance, cela n’empêche pas l’oeuvre d’être puissante et dévastatrice. Coeurs sensibles s’abstenir.

La vraie surprise de ce film, c’est l’interprète d’Elise, la chanteuse et actrice Veerle Baetens. Elle a d’ailleurs remporté pour ce rôle le prix de la meilleure actrice au Festival du film de Tribeca à New York au mois d’août dernier. Sa présence crève l’écran, sa voix et sa beauté font le reste. Les scènes où elle chante avec le groupe sont tout simplement à couper le souffle.

Ceux qui avaient vu le film au festival Fantasia l’été dernier, où il a reçu le prix de bronze décerné par le public dans la catégorie meilleur film international, n’ont aucune excuse pour ne pas aller le revoir à nouveau. Pour les autres, il vous reste une semaine pour le voir sur grand écran.

The Broken Circle Breakdown (Alabama Monroe)
Felix Van Groeningen
2012, Belgique, V.O. flamande et anglaise, s.t. français
Présenté au Cinéma Excentris jusqu’au 20 novembre

L'avis


de la rédaction

Vos commentaires

Revenir au début