LittératurePolars et romans policiers
Crédit photo : Actes Sud
Roman policier situé dans la lignée des films noirs américains et hitchcockiens des années 50 et 60, Un endroit discret de Seichô Matsumoto est probablement l’un des thrillers asiatiques les plus futés jamais écrits à ce jour. L’auteur n’hésite pas, grâce à l’usage d’une plume incisive et ironique à souhait, à dénoncer le contexte social et économique du Japon des années 70, période ambivalente et conventionnelle pendant laquelle ce roman a été écrit. Détournement d’argent, plaisirs coupables, abus de pouvoir, la société japonaise battait son plein dans cet univers malsain du vice et de la trahison. La relation d’Asai et Eiko, de laquelle aucune trace d’amour ou d’affection n’émanait au quotidien, n’est que le reflet d’un pays terni par les conventions mises sur pied par l’homme moderne pour satisfaire sa soif de pouvoir et de sexe.
C’est dans ce contexte peu reluisant que Tsuneo Asai se transformera momentanément en détective privé, sens de l’intuition affuté et carnet en prime, dans le but ultime de comprendre ce qui bien pu arriver à Eiko quelques jours plus tôt. Persuadé qu’elle a succombé aux caprices de son cœur fragile, mais qu’on l’y a volontairement poussé, Asai retournera auprès de la commerçante qui a vu Eiko agonisante afin de faire le point sur cette sinistre affaire. Mais, à un jet de pierres de l’endroit où son ex-femme a été découverte, Tsuneo Asai découvre un univers du vice dont il ignorait totalement l’existence. En effet, de nombreux hôtels de rendez-vous, où des hommes d’affaires riches se prêtent à l’adultère avec des prostitués et des geishas, surplombent la magnificence des montagnes, non loin de la villa Tachibana.
De fil en aiguille, les efforts de Tsuneo Asai porteront leurs fruits: ses soupçons deviendront des certitudes, et la double existence que menait Eiko produira sur sa personne une gifle monumentale à laquelle il ne s’attendait absolument pas. Seichô Matsumoto, en maître du genre, y exploite avec brio la pulsion meurtrière qui sommeille en chacun de nous dans un roman où la finale, digne des chefs-d’œuvre du romancier japonais Keigo Higashino, notamment Le dévouement du suspect X (2011) et Un café maison (2012), vous laissera la langue pendante devant autant d’ingéniosité et de savoir-faire.
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de la rédaction