ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Yanick Macdonald
Les rires sont nombreux et fusent de partout. Pendant la rencontre dans un café entre les personnages de Soleymanlou et Bibeau, alors qu’un son d’avertissement guide Mani dans sa façon d’aborder la femme sans faire de faux pas, en retentissant chaque fois qu’une réplique fait reculer plutôt qu’avancer la relation, les forçant tous les deux à reprendre exactement là où il a merdé, avec le même ton et le même texte, on prouve encore une fois le talent indéniable des comédiens, tout en offrant de nombreuses situations très drôles, s’enchaînant avec un rythme qui ne laisse pas au spectateur le temps de souffler entre ses éclats de rire. Ce tableau ouvre en quelque sorte sur la clé des possibles, en démontrant l’infinité de scénarios possibles lors d’une rencontre, et ne manquant pas, non plus, de nous faire réfléchir à la fragilité de chaque instant, où chaque parole et geste compte et peut changer une destinée entière.
Certains tableaux sont toutefois un tantinet moins intéressants, comme les «Variations sur la mort de Trotsky», où tout était joué gros et où on tombait dans une absurdité plus grande encore. On y voit un Daniel Parent increvable, comme toujours, à la perruque absurde d’où jaillit une pioche qui tient dans les airs, essayant de défier le temps, en sachant qu’il – Trotsky – a survécu 36 heures après s’être fait planter une pioche dans le crâne, mais ne connaissant pas exactement quand le tragique événement est survenu. Malgré tout, l’interprétation des comédiens sauve toujours la mise, et c’est ici le cas pour Parent, mais aussi pour Geneviève Schmidt, qui jouait dans cette scène la femme de Trotsky, et qui s’est démarquée grâce à ses expressions faciales et à la qualité de son jeu. Schmidt a d’ailleurs grandement contribué au comique et au succès du spectacle entier, avec sa présence marquée dans trois des numéros.
Entrecoupés de chansons sympathiques, sans être délirantes, avec Simon Lacroix au ukulélé, les tableaux ont effectivement varié en force et en portée, mais il va sans dire que la finale, haute en couleur, à la manière d’une comédie musicale complètement éclatée et désopilante, ramenant tous les comédiens dans une scène aux allures de boulangerie où une femme rencontre Philip Glass (Lacroix, brillant), compense largement pour les quelques longueurs, peu nombreuses, et sans importance, au final.
Chantant à l’unisson, en canon, en harmonies, à voix basse ou tonitruante, gravement ou gaiement, les six comédiens ont semé un chaos très bien contrôlé sur la scène du Théâtre de Quat’Sous, se jetant de la farine à la figure et suivant une chorégraphie vivante, utilisant à leur plein potentiel les éléments de décor et leur talent d’interprète.
Cette magnifique et éclatante finale aura prouvé qu’en prenant le temps d’unir la bonne distribution au bon texte, la bonne équipe au bon projet, et la bonne pièce au bon théâtre, au bon moment – une merveilleuse façon de lancer les festivités du 60e anniversaire du Quat’Sous! –, on ne peut que créer un véritable chef-d’œuvre. Après tout, peut-être qu’effectivement, tout n’est qu’une question de bon timing!
La pièce Variations sur un temps est constituée des tableaux «Mini-putt ou l’art de la fugue», «C’est sûr», «Variations sur la mort de Trotsky», «Le Drummondville» et «Philip Glass à la boulangerie», de David Ives. Mise en scène par Eric Jean, elle est présentée au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 30 octobre 2015.
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de la rédaction