«Un chêne» de Tim Crouch au Théâtre Prospero – Bible urbaine

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«Un chêne» de Tim Crouch au Théâtre Prospero

«Un chêne» de Tim Crouch au Théâtre Prospero

Ce jour-là

Publié le 19 mars 2019 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Laurence Dauphinais

Un hypnotiseur se produit en spectacle dans des bars de région. Si vous êtes imaginatif, cette phrase a déjà le potentiel de vous faire rire et pleurer. L’hypnotiseur – ne jugeons pas ses aptitudes, car c’est un domaine où nous ne connaissons à peu près rien – a le pouvoir de vous convaincre de poser des gestes ou de ressentir des émotions qui n’ont pas nécessairement de bases réelles. Le parallèle avec le théâtre est frappant, mais peu de dramaturges osent le faire.

Le concept de surprise tient un grand rôle dans cette oeuvre de Tim Crouch, qui impose au metteur en scène (dans le cas qui nous intéresse, Charles Dauphinais) plusieurs contraintes: seul l’acteur interprétant l’hypnotiseur (Philippe Robert, qu’on a récemment vu chez Duceppe dans Le bizarre incident du chien pendant la nuit) a lu le texte, et c’est un(e) comédien(ne) différent(e) qui lui donne la réplique chaque soir. Évidemment, son vis-à-vis n’a aucune idée de l’aventure à laquelle il prend part.

Le soir de la première, c’est Kathleen Fortin qui relevait le défi en se prêtant au jeu. Extrêmement intuitive, elle portait notamment à bout de bras le pétrifiant monologue final de la pièce Le brasier de David Paquet, récemment reprise – hélas! – pour la dernière fois à l’Usine C. Une candidate idéale, donc, autant pour briser la glace que pour nous faire perdre nos repères de spectateurs, en nous entraînant avec elle dans une lente dérape de la réalité.

On passera sur les détails de l’intrigue, que le public découvre avec un air médusé en même temps que l’interprète invité(e), qui s’avère aussi être une surprise chaque soir. Le stratagème, donc, est aussi important dans l’expérience que le récit lui-même, l’équivalent d’un plongeon à l’aveugle dans un point d’eau dont la profondeur est aléatoire.

C’est un exercice révélateur pour les interprètes, et Philippe Robert semble beaucoup s’amuser à orchestrer le tout, en donnant des directives à son interlocuteur par le biais d’une oreillette. Sa performance est à la fois dramatique et enjouée, par moments aussi rocambolesque que la chanson, digne d’un infomercial d’aérobie, qu’il utilise pour monter sur scène avant d’hypnotiser les Steve et Gérard de ce monde.

Le drame qui motive la rencontre explosive entre les deux personnages est convenu, mais fort efficace pour faire tourner les rouages de la dramaturgie. On s’amuse d’ailleurs, un peu tardivement, avec les codes du théâtre et les niveaux de réalité, comme dans un rêve fiévreux qui se reproduit sans cesse en variant quelques détails.

C’est dans cette audace formelle que le texte de Crouch, présenté de main de maître par Charles Dauphinais – avec bien peu de moyens et d’artifices, mais avec beaucoup d’ingéniosité – déploie majestueusement sa mécanique vaporeuse, mais néanmoins efficace pour mystifier le public et lui offrir une expérience qu’il n’oubliera pas de sitôt.

«Un chêne» au Théâtre Prospero en images

Par Laurence Dauphinais

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