ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Gunther Gamper
Les spectateurs âgés de vingt ans et moins, les étudiants du secondaire ou du cégep qui assistent de façon obligatoire à des pièces de théâtre, sont un public qui ne fait pas de compromis: il aime ou il déteste. Il est bruyant ou silencieux, rarement entre les deux.
C’est donc avec curiosité que je scrute les jeunes gens autour de moi, hâtive de voir et d’entendre leurs réactions face à ce texte écrit il y a plus de 400 ans. Juste avant le début du spectacle, je me pose les questions suivantes: «Pourquoi monter cette comédie de Shakespeare aujourd’hui? Pour le défi? Un pari entre Sara Balleux et Frédéric Bélanger, les co-directeurs de la compagnie du Théâtre Advienne que pourra?» Pari risqué, à mon avis…
Ce que je n’avais pas envisagé, c’est l’habile adaptation que Steve Gagnon et Frédéric Bélanger en ont faite. Le délire est total. Le texte prend une tout autre allure. Les histoires d’amour entre les personnages d’Hermia, de Lysandre, d’Héléna et de Démitrius sont à l’image du public présent dans la salle. Ils aiment ou ils détestent. Pas de demi-mesure.
Comme face à un miroir, les spectateurs rient à chaque moment clé en se reconnaissant dans les traits grossis des personnages. Ça fonctionne et c’est enivrant de sentir cette cohésion entre la salle et la scène.
Des allusions sexuelles sont parsemées ici et là, et le jeune public n’en manque pas une. C’est bien dosé et l’humour grinçant agite les esprits. Alors que Puck doit se rappeler à qui de Lysandre ou de Démitrius doit-il jeter un sort, il se met à chanter ce vers d’oreille, «cravate ou nœud papillon?», sous une boule disco installée dans la salle. Un des moments forts de ce spectacle. On y ajoute de la musique jouée en live, dans un heureux mélange de comédie musicale, avec quelques projections vidéo, et le tour est joué.
Une question de sens subsiste tout de même: «Si le texte est dans une langue proche de notre époque, pourquoi revêtir l’esthétisme de l’âge d’or hollywoodien?» Il est difficile de voir le lien entre le visuel et l’adaptation dramaturgique. Ce choix aurait gagné à être justifié davantage dans le texte et dans l’adaptation de l’histoire. Mais c’est beau, ça oui! La scénographie sur deux niveaux de Francis Farley-Lemieux démontre un vrai savoir-faire.
Les comédien(ne)s donnent le tout pour le tout. Endosser un jeu comique, limite burlesque, comme celui travaillé ici demande un abandon total. Olivia Palacci est un coup de cœur absolu suivi de près par l’interprétation franchement drôle de Karine Gonthier-Hyndman dans le rôle de l’insupportable Héléna. Toute la distribution brille sous la magnifique conception de lumières de Julie Basse.
Les derniers mots de Puck sont suivis d’une ovation presque instantanée.
C’est réussi. Pari relevé.
J’ai même du mal à y croire…
Pourtant, je n’ai pas rêvé.
N’est-ce pas?
L'événement en photos
Par Gunther Gamper
L'avis
de la rédaction