«Saint-André-de-l’Épouvante», mise en scène de Patrice Dubois, à ESPACE GO

On ne sait toujours pas si Samuel Archibald donnera suite à cette promesse initiale avec un roman, mais ses qualités de dialoguiste hors pair lui ont valu une invitation du monde du théâtre, et St-André-de-l’Épouvante est sa réponse. L’action de la pièce est campée en 1996 à Saint-André, un petit village du Lac où le potinage est bien vivant. Un orage particulièrement vorace se déchaîne, et quatre hommes trouvent refuge au bar Le Cristal, sous la supervision bienveillante de la serveuse Loulou.

Pour passer le temps, ils se racontent des histoires effrayantes. Un étranger, l’homme en noir, qui change constamment de nom et qui prétend être de passage dans le secteur pour visiter de la famille, les encourage à exorciser leurs démons en narrant leurs pires anecdotes, les histoires étranges et parfois inexpliquables qui les hantent. Non sans humour, chaque personnage finit par se lancer, et à mesure que la pièce avance, le rire se fait moins insistant, jusqu’à basculer dans le très sinistre.

Archibald nous démontre ici qu’il est habile dans les deux disciplines, et qu’il sait livrer la marchandise. Les histoires tordues que ses personnages se racontent ont toutes un semblant de vérité, un écho de lointaine reconnaissance, comme si on avait l’impression d’avoir lu un fait divers correspondant dans un journal d’une autre époque, ou qu’on se souvenait par bribes qu’un oncle nous l’a jadis raconté. On découvrira rapidement que ces histoires touchent une corde sensible, et que chacun des narrateurs pourrait fort bien y avoir activement participé.

Avec une mise en scène à la fois simple et percutante, Patrice Dubois invite le spectateur à être témoin de cette veillée intime, voyeur volontaire qui attend, tapis dans l’ombre du bar, que la tragédie frappe. De multiples bières seront bues, et les esprits finiront par s’échauffer. Miro Lacasse, à la fois intriguant et inquiétant dans la peau de l’Homme en Noir, finira par avoir un impact beaucoup plus grand que ce dont on le croit au départ capable.

Les performances sont ici uniformément solides, et la musique d’ambiance de Guillaume Thibert installe un climat surréel et quasi poétique. Le texte d’Archibald, habile et assumé, exploite très bien les particularités linguistiques du Québec, utilisant quelques jurons bien sentis comme ponctuation, nous transportant en région, là où les racontars se propagent comme des feux de paille, et où les rumeurs prennent de l’ampleur.

Un pari théâtral, donc, fort réussi pour le romancier.

La pièce «Saint-André-de-l’Épouvante» est présentée à ESPACE GO jusqu’au 12 mars 2016.