ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Marie-Andrée Lemire
Ça vous semblera sans doute surprenant, mais ce n’est pas la première fois qu’on entend parler de transhumanisme dans l’enceinte de l’Espace Libre – au printemps dernier, nous y avons savouré La singularité est proche, une grinçante prophétie de Jean-Philippe Baril Guérard inspirée de l’œuvre du même nom de Ray Kurzweil. La formule diffère quelque peu cette fois-ci, et la proposition est d’une rare originalité.
Dominique Leclerc – qu’on avait précédemment apprécié, entre autres, dans Les courants souterrains de Benoît Desjardins au Théâtre Prospero, et dans Gamètes à La Licorne – est tombée un peu par hasard sur son sujet en faisant des recherches sur son diabète. Ou, plus précisément, sur la possibilité de moderniser ses instruments désuets et dispendieux en les remplaçant par un appareil plus moderne pour surveiller son sang. Elle était alors loin de se douter qu’elle venait d’ouvrir une boîte de Pandore sur un univers assez particulier, peuplé par des philosophes, des bio-hackers et des cyborgs.
C’est donc dans son propre cheminement et sa découverte progressive de cet univers un peu particulier que nous l’accompagnons, majoritairement en Allemagne, au fil d’une histoire d’amour absolument ravissante qui se développe en parallèle. On se retrouve à contester avec elle nos convictions et notre éthique, alors que ses découvertes de plus en plus ahurissantes l’amènent à remettre en question beaucoup d’idées reçues.
Le processus de gestation de cette première œuvre remonte donc jusqu’à 2013 et est de fond en comble d’une sincérité désarmante. Outre l’amoureux maintes fois mentionné dans le récit, Dennis Kastrup, qui est présent sur scène en chair et en os, on retrouve aussi auprès de l’auteure un Didier Lucien particulièrement authentique, et Cadie Desbiens, une artiste aussi connue sous le nom Push 1 stop qui s’intéresse aux nouvelles technologies et aux effets spéciaux, et qui est VJ depuis 2008.
Et ne vous avisez pas de cligner des yeux ou de penser à autre chose pendant la pièce, car vous risquez de manquer un détail essentiel ou une information importante – le contenu ici est particulièrement riche et dense, et frappe de plein fouet l’imaginaire.
Leclerc s’est réellement fait implanter une puce RFID dans le cadre d’une performance au dernier OFFTA, ce qui fait d’elle non seulement une cyborg, mais aussi une artiste profondément investie dans son sujet.
Et son œuvre Post humains est à la fois une performance hors normes, un moment de théâtre d’une belle intelligence, et la démonstration qu’on peut aborder et vulgariser des sujets normalement difficiles lorsqu’on fait preuve d’une sensibilité aussi admirable.
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Par Marie-Andrée Lemire
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