ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Pedro Ruiz
Anaïs Barbeau-Lavalette, dont l’éblouissant talent se répercute dans plusieurs disciplines, a entre autres signé l’un des livres les plus médiatisés de 2016, La femme qui fuit, paru chez Marchand de Feuilles en septembre 2015. Elle est aussi une cinéaste documentaire accomplie, exerçant depuis 2000, et dont les plus récentes œuvres sont réalisées avec son conjoint, Émile Proulx-Cloutier.
Pôle sud: documentaires scéniques est une pièce qui avait déjà été présentée à l’Espace Libre en 2016, un endroit particulièrement indiqué pour sa diffusion puisque tous les personnages dont il est ici question sont originaires du Centre-Sud, le mythique quartier qui abrite ce théâtre.
Ce qu’on nous propose ici, en présence des sujets, ce sont des entrevues audio très candides, où l’empathie de Barbeau-Lavalette – qui discute de tout et de rien en gardant une réelle maîtrise de l’échange – permet les confessions et les déclarations désarmantes d’une dizaine d’habitants d’un quartier où vit une faune unique et colorée. La mise en scène est assez discrète, permettant au public de voir ces héros du quotidien dans leur vie de tous les jours. On les entoure d’objets qui leur sont familiers, et qui offrent un contexte qui décuple l’effet saisissant de leurs récits.
Des projections vidéo servant d’interludes nous présentent des moments charnières de l’histoire du quartier, de la construction de la tour de Radio-Canada pour laquelle des dizaines de citoyens ont été expropriés, et d’une étonnante vague d’entraide entre citadins lors d’une grève des pompiers.
Il n’y a pas ici de barème temporel pour les sujets; certaines entrevues, dont celle avec Jaqueline, qui ouvre la pièce, sont assez longues, sans jamais s’éterniser, alors que d’autres nous laissent un peu sur notre faim par leur courte durée. On atteint toutefois un certain équilibre, car certains destins sont clairement plus tragiques que d’autres.
On passe par toute une gamme d’émotions, pendant quatre-vingt-dix minutes, en compagnie de personnages plus grands que nature, des visages qu’on ne remarquerait probablement pas en passant à travers le quartier, les yeux fixés sur notre téléphone.
Les metteurs en scène ont minutieusement exploré les lieux pour y découvrir des parcours souvent ponctués de relations familiales difficiles, des individus hantés par la solitude, qui ont tous comme point commun de continuer à exister malgré tout, et à s’épanouir au sein d’une société qui leur réserve rarement une place au soleil.
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Par Pedro Ruiz
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