«Pleurs» à Espace Libre: une joyeuse bande de déglingué·e·s!

Pleurs n’est pas une pièce qui traite de la mort, mais plutôt un prétexte pour aborder les enjeux auxquels est confrontée la génération Z: l’hyperconnectivité, les réseaux sociaux, les influenceurs, l’hypersexualisation et même l’écologie!

On assiste ainsi aux funérailles d’un douchebag entouré de ses pairs endeuillés frôlant l’indécence et la vulgarité. Les acteurs arborent des chandails moulants sur lesquels sont imprimés des abdos découpés au couteau et une manche de tatouages, alors que les filles sont vêtues de robes serrées au décolleté plongeant. Pour ajouter à la caricature, l’une d’elle twerk allègrement dans sa robe aux imprimés léopard. 

Ainsi, les tableaux se succèdent sans liens les uns avec les autres dans le but de faire rire, essentiellement. 

Photo: Marlène Gélineau Payette

Si certains sketchs semblent grossiers, voire malaisants, notamment lors d’une scène où un couple, joué par Simon Duchesne et Fabrice Girard, s’émoustille auprès du défunt dans un contexte, disons-le, plutôt macabre, d’autres se moquent plutôt des conventions, suscitant des éclats de rire de la part des spectateurs.

Comme on le sait, dans toutes bonnes funérailles, le choix des pièces musicales est fondamental et symbolique. Ici, la maître de cérémonie, incarnée par Caroline Somers, interprète des classiques inusités, mais surtout inappropriés dans un contexte de deuil, comme «Ça fait rire les oiseaux» de La Compagnie créole! Et même FouKi y passe! Mais je n’en dis pas plus.

De toute évidence, les sept acteur·rice·s ratissent large, maitrisant plusieurs niveaux d’humour.

Et la Nouvelle Troupe Expérimentale, elle?

Je ne vous cacherai pas que mon intérêt premier, lorsque j’ai vu la distribution de Pleurs, était de voir Simon Duchesne fouler les planches d’Espace Libre. L’humoriste anime le balado «Simon et Tyler racontent» avec son comparse sur les ondes d’ICI Première. Le duo s’est également fait connaître grâce à ses capsules humoristiques à l’émission La journée (est encore jeune).

Duchesne, ce drôle d’ovni, est aussi drôle sur une scène qu’à la radio, je vous le garantis.

Ici, il s’agit de la même cohorte de finissants – en théâtre et en humour – qui était de la mouture Rires, la production du Nouveau Théâtre Expérimental présentée à pareille date l’an dernier. Faute d’avoir vu la pièce, je ne peux m’en remettre qu’à la création Pleurs.

Bref, sans l’ombre d’un doute, la distribution, composée de Mehdi Agnaou, Zoé Boudou, Anne-Sarah Charbonneau, Simon Duchesne, Fabrice Girard, Laurence Laprise et Caroline Somers, est vraiment doué·e pour l’humour décalé.

Photo: Marlène Gélineau Payette

Incarnant des personnages tel un gourou complètement coucou, ou encore un chat arrogant, et maniant des textes incongrus, mais tellement drôles, chacun·e tire son épingle du jeu avec une dégaine de pince-sans-rire.

C’est pas mêlant, on croirait assister à un drop the mic en série.

Au-delà des simagrées, il y a de véritables perles au niveau de l’écriture. Par exemple, le numéro où chacune des phrases de la candide Zoé Boudou est ponctuée d’une finale absurde à laquelle on ne t’attends pas est tout simplement ingénieux, savoureux et hilarant.

Une mise en scène à l’image de Pleurer dans’Douche

On connait surtout Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau pour leur théâtre engagé («Moi, Jeanne», «Ciseaux»), mais toujours teinté d’humour. Iels versent ici surtout dans une mise en scène éclectique et complètement jubilatoire.

Les deux metteur∙es en scène jouent avec la forme, alternant entre des sketchs punchés s’apparentant au vaudeville, alors que la finale plus frontale permet une interaction directe avec le public, brisant le quatrième mur.

Photo: Marlène Gélineau Payette

Bien que la scénographie de Nadine Jaafar nous situe dans un salon funéraire (un cercueil, des chaises, un autel et des pots de fleurs en sont la preuve), on semble assister à un cirque où les prouesses humoristiques se succèdent tel un feu roulant.

Les éclairages criards ajoutent un aspect festif qui jure avec le lieu, traduisant à merveille l’univers décalé et absurde de la pièce.

En somme, si le public accepte la proposition complètement délirante sans chercher à comprendre le pourquoi du comment, il sera diverti, somme toute intelligemment. En tout cas, c’est un bel exercice de lâcher prise, surtout en cette ère morose où le rire, avouons-le, est indispensable.