ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Marc-André Goulet
Vous êtes conviés à un party de mots. Une célébration de bonne humeur et d’absurde. Une soirée festive où l’étrange côtoie les références sorties d’un chapeau, les observations cyniques, les métaphores étranges et des éclats de rire aussi fréquents que soudains.
Il n’y a pas de ligne directrice à proprement parler, et quand on choisit de ne pas travailler dans un contexte narratif de linéarité, il faut toujours, du moins selon l’auteur de ces lignes, compenser par le style. Et Nuits frauduleuses n’en manque pas; ça commence avec l’entrée en scène tapageuse de quatre comédiens, trois hommes et une femme (athlétique Marilyn Perreault), dans une pièce où tout est bleu et où de nombreux cubes en mousse jonchent le sol.
La performance physique est ici mise en parallèle avec les mots, et de petites mises en scène aussi brèves qu’aléatoires sont installées par les comédiens. On a droit, entre autres, à une soirée dans un bar de danseuses de région, avec les multiples personnages colorés qui le peuplent; un homme révolté qui crie littéralement sur les toits son droit de mourir comme il l’entend; et une chorégraphie mémorable sur «How will I know» de Whitney Houston.
Chaque comédien a ses particularités, et le casting d’Alix Dufresne nous prouve qu’elle les connaît bien. Philippe Boutin, qui a développé un humour dont la finesse frôle parfois les frontières de la scatologie, nous offre ici un dosage beaucoup plus efficace que dans Being Philippe Gold, que l’on a vu plus tôt dans la saison au Théâtre Denise-Pelletier. Jérémie Francoeur est agile comme une panthère, et ses brusques changements de ton sont stupéfiants; Maxim Paré-Fortin porte en lui un malaise et une mélancolie qu’il utilise à bon escient; et Perreault parvient à réciter un long poème, adossée à l’envers le long d’un mur, entre autres prouesses physiques.
Les extraits de textes des poètes sont minutieusement choisis, et même s’ils ne sont pas identifiés, rassemblés comme un long mash-up, on reconnaît ici et là quelques voix uniques. Parmi les treize auteurs, on retrouve notamment Laurie Bérard, Samuel Mercier, Daniel Leblanc-Poirier et Maude V. Veilleux, et de voir ainsi leurs vers prendre vie et être interprétés avec une telle énergie a quelque chose de profondément rassurant.
On pourrait probablement, dans un élan de mauvaise foi, déplorer le manque passager de direction de certains segments, mais on préfère s’incliner bien bas devant l’effort monumental de mémorisation des textes, la précision chirurgicale de la mise en scène, et l’impression générale de bonheur qui se dégage de cette œuvre aussi inclassable qu’incontournable.
L'événement en photos
Par Marc-André Goulet, Antonin Gougeon et Dario Ayala
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