«NICE TRY (belessai)» d'Alexa-Jeanne Dubé et Marie-Philip Lamarche à l’Usine C – Bible urbaine

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«NICE TRY (belessai)» d’Alexa-Jeanne Dubé et Marie-Philip Lamarche à l’Usine C

«NICE TRY (belessai)» d’Alexa-Jeanne Dubé et Marie-Philip Lamarche à l’Usine C

Sortir de sa zone de confort

Publié le 18 janvier 2018 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Janie Tremblay

Nous pourrions longtemps discourir du risque lié à une production théâtrale traditionnelle; reste que les artisans oeuvrant dans le domaine sont à peu près outillés pour évaluer en toute objectivité ce qui fonctionne, et peuvent demander conseil à leur cercle de collègues dans le doute. Un texte se répète, une pièce se pratique. Le stress et l’angoisse de la création, ça se passe à porte close, loin des yeux du public.

Quand Alexa-Jeanne Dubé et Marie-Philip Lamarche ont fondé NICE TRY, elles voulaient bousculer les idées reçues, rassembler des artisans de différents domaines qui se croisent peu, et intégrer une part de spontanéité et, disons-le, de danger à l’entreprise. Dix éditions plus tard, le concept est bien établi: des créateurs – metteurs en scène, artistes visuels, chorégraphes – collaborent avec des interprètes pour créer une performance de dix minutes en quarante-huit heures en ayant préalablement pigé des contraintes (souvent loufoques).

La soirée est présentée sous la forme d’un cabaret et les numéros sont introduits par Alexa-Jeanne Dubé, qui nomme les créateurs et les contraintes pigées, en précisant de qui elles proviennent.

C’est Gabrielle Lessard qui a brisé la glace, vendredi dernier, avec un numéro amusant de par son chaos, qui intégrait un acteur qui mangeait tout au long de la performance, un style de jeu minimaliste, et de la danse sur une musique calypso. Tout au long de la soirée, nous avons découvert, en même temps que les acteurs et créateurs, que les contraintes, allant de «Aborder la brutalité» à «Il doit y avoir un canon vocal pendant la performance», pouvaient devenir autant des limites que de formidables incubateurs d’idées.

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Trois numéros se démarquaient d’ailleurs du lot. L’imprévisible Philippe Boutin, dont l’effervescence est parfois profondément incomprise, devait entre autres intégrer la notion de répétition et aborder le milieu carcéral. Quelle ne fut pas notre surprise que celle de voir arriver sur scène le fabuleux gorille qui ouvrait Being Philippe Gold, une pièce abracadabrante présentée en janvier dernier dans la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier. Pauvre gorille, ayant tué par agacement et peut-être un peu pour impressionner sa date, puis subissant un procès en étant défendu de façon peu efficace par l’hilarante Marianne Dansereau. Boutin maîtrise parfaitement l’absurde et nous en offre fréquemment une version très personnelle.

Marie Charlebois, membre en règle des Éternels Pigistes (qu’on a par ailleurs beaucoup appréciée dans La mort des éternels et Pourquoi tu pleures…?), devait intégrer à sa création des drag kings, une partie d’un poème de Gérald Godin, et le personnage de Titus dans Bérénice de Racine. Mélange aussi explosif que contraignant, qui a provoqué l’un des moments forts de la soirée, incluant une chorégraphie pop, des déclamations dramatiques et des contrastes auxquels il était difficile de résister.

Le numéro de clôture, créé par Frédéric Dubois, était une merveille d’absurde digne d’Ionesco, requérant la participation de presque tous les comédiens qui s’étaient prêtés au jeu. La contrainte qui a défini l’idée de base, «la performance doit intégrer des œufs», est devenue la source d’une inventivité extrême et d’une proposition audacieuse: réfléchir sur la temporalité en extrapolant sur le processus d’ébullition des œufs.

Une finale tout à fait jouissive, qui a fait plaisir à tout le monde, sauf au concierge de l’Usine C.

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