«Straight Jacket Winter» d’Esther Duquette et Gilles Poulin-Denis à La Licorne – Bible urbaine

ThéâtreCritiques de théâtre

«Straight Jacket Winter» d’Esther Duquette et Gilles Poulin-Denis à La Licorne

«Straight Jacket Winter» d’Esther Duquette et Gilles Poulin-Denis à La Licorne

Bienvenue chez vous

Publié le 23 décembre 2017 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : 2PAR4

Il n’est pas nécessaire de se déplacer physiquement pour vivre un exil. André et Nicole Ferron, les deux protagonistes à la relation trouble de L’Hiver de force, une œuvre majeure de feu Réjean Ducharme, en savent quelque chose. Enfermés dans leur appartement de Notre-Dame-du-Bord-du-Lac, ils se détachent progressivement de la société en décidant qu’ils n’ont pas besoin des autres pour être heureux. Ce sont ces personnages hauts en couleur qui ont inspiré les créateurs de «Straight Jacket Winter» à produire cette performance théâtrale à saveur docu-fictionnelle dans laquelle ils se livrent avec une belle objectivité.

Lorsqu’Esther Duquette et Gilles Poulin-Denis sont déménagés à Vancouver pour changer d’air, au début de la décennie, ils étaient loin de se douter qu’ils seraient confrontés à un tel isolement. À l’intérieur du même pays, les dynamiques sociales sont apparemment très différentes, et se faire des amis devient un défi de taille. La solitude à deux, est-ce possible? S’ennuyer à ce point de Montréal, est-ce sain? Être pratiquement le seul interlocuteur de son conjoint, est-ce un pas dans la direction d’une santé mentale équilibrée? Outre les nombreux parallèles entre la vie des personnages de Ducharme et celle de nos deux expatriés, l’auteur mythique est introduit lorsque Gilles lance l’idée de traduire L’hiver de force en anglais, et peine à trouver un titre fidèle. D’où le titre de la pièce.

Les deux créateurs sont donc sur scène pour manipuler une caméra qui projette des images en direct sur un écran géant, derrière les acteurs. Processus inventif et merveilleusement bien utilisé qui ponctue le récit d’une couche supérieure de réalité. Deux acteurs, Julie Trépanier et Frédéric Lemay, sont sur scène pour interpréter les segments «fictionnels» de cette auto-docu-fiction. Ils réservent d’ailleurs aux spectateurs un sympathique accueil, dans une ambiance des fêtes, car la pièce débute pendant un réveillon du Nouvel An, qui constitue aussi une fête de départ – c’est en plein hiver qu’Esther quitte sa métropole pour aller préparer le domicile du couple à l’avance à Vancouver.

L’aspect vidéo est habilement intégré au récit, entre autres lorsque le couple nous présente ses amis, et c’est le VJ de longue date Antoine Quirion Couture qui signe ces sympathiques petites créations. Il y a de tout pour tous les goûts dans ce projet: du bricolage, de la nostalgie, de très pertinentes réflexions sur l’isolement, une exploration des limites de la cohabitation, une intimité exhibée de façon très sobre et de bon goût, et un amour indubitable pour la littérature.

En un peu plus d’une heure, les deux artistes nous démontrent ce que signifie pour eux l’expression «se sentir chez soi», un processus qui peut être long et ardu, mais qui finit toujours par nous procurer un sentiment incomparable – un peu comme ce projet, d’ailleurs.

L'événement en photos

Par 2PAR4

  • «Straight Jacket Winter» d’Esther Duquette et Gilles Poulin-Denis à La Licorne
  • «Straight Jacket Winter» d’Esther Duquette et Gilles Poulin-Denis à La Licorne
  • «Straight Jacket Winter» d’Esther Duquette et Gilles Poulin-Denis à La Licorne

L'avis


de la rédaction

Nos recommandations :

Vos commentaires

Revenir au début