ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Martin Blache
L’action de Minuit se déroule dans une ville post-apocalyptique qui peut être Montréal, ou Sherbrooke, ou n’importe où. Les habitants vivent dans un régime oppressif dominé par un commando terrifiant, les Caporeux. On ne les voit jamais, mais on sait qu’ils sont là. Leur sbire, l’Ange-Chevalier – interprété par un très convaincant Guillaume Rodrigue – veille au grain et s’assure de faire respecter l’ordre et, par-dessus tout, la nouvelle langue parlée.
En effet, dans ce nouveau monde, il y a des mots disparus qui ne peuvent être prononcés. Ceux qui transgressent cette règle se voient harcelés et, ultimement, décimés. C’est un état de terreur que défient trois générations de femmes: Grand-Maman, Minuit et La Petite. Elles tentent par tous les moyens de sauvegarder leur langue, leur culture. Elles résistent à cette nouvelle vie comme elles le peuvent: Minuit, elle, se vend aux Caporeux pour éviter tous les soupçons, La Petite échange les mots interdits avec sa Grand-Maman…
Ce qui constitue la véritable force de la pièce, c’est son texte. L’auteure, Marie-Hélène Larose-Truchon, démontre avec vigueur qu’une langue devient un instrument essentiel de transmission, de résistance, de mémoire et d’imaginaire pour tous les peuples. D’ailleurs, une panoplie d’expressions bien connues du Québec, reprises dans Minuit, nous arrachent un sourire et nous rappellent, le temps d’un instant, bien des souvenirs!
Nos grands-mères, nos grands-pères, nos tantes et oncles les disaient sans censure et maintenant, où les entendons-nous? Qui les perpétuera? Voilà des questions chères à l’auteure, maintenant que la technologie prend toute la place et que tout doit être dit dans cent quarante caractères.
Il s’agit donc d’une pièce qui plaide pour la résistance, la sauvegarde de cette langue si riche. Et, plus particulièrement, de l’héritage linguistique maternel et familial.
Malheureusement, la trame dramatique manque de substance, de détails, de rebondissements. Pour bien apprécier le propos de l’auteure, il aurait fallu atténuer la curiosité qui anime les spectateurs quant à ce monde aseptisé et terrifiant. Pourquoi sont-elles arrivées là? Pourquoi ne peuvent-elles plus parler leur langue? Quel est le mode de fonctionnement de cette société? Parfois, il est vain d’expliciter l’environnement dans lequel sied l’action d’une histoire, mais parfois il faut un minimum d’explication. Le mystère de tout cet environnement est entretenu volontairement par l’auteur, mais il n’en demeure pas moins qu’une certaine mise en contexte aurait bonifié la compréhension de la situation et l’empathie du spectateur envers la quête des trois protagonistes.
Par ailleurs, la pièce souffre de longueurs. On y décroche souvent et ce n’est un problème de jeu, mais plutôt certains passages plus confus et, parfois, une mise en scène stagnante. À ce propos, l’espace scénique aurait pu être plus exploité, plus vivant, question de dynamiser les passages plus sombres et longs.
Mais la metteuse en scène Lilie Bergeron laisse aux comédiens une belle liberté dans le jeu et la livraison des émotions. Ceux-ci gravitent dans un décor sobre et réussi. C’est une belle signature visuelle!
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Par Martin Blache
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