ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Maxime Côté
Le décor est électrique; le plafond est parsemé d’ampoules dénudées qui descendent vers le sol comme des araignées tissant leur toile. On se retrouve plongé dans l’obscurité, seule la lueur vacillante des lumières éclairant les teintes sombres du décor. Une haute fréquence semblable à un tintement de carillon constitue la seule musique de la pièce, comme si l’on avait emprisonné un grillon au fond d’un bocal.
Très vite, les comédiennes Kathleen Stavert et Mirian Katrib engloutissent toute l’attention vers elles. Elles représentent un microcosme de ce dialogue entre deux cultures dont les barrières tomberont au fil de leurs rapprochements. Le tandem, a priori opposé, se fusionne et se détache entre chaque scène, rappelant par moments le duel des personnalités de Fight Club.
La mise en scène est volontairement décousue pour ne plus savoir qui est qui. Comme Talia, le public perd ses repères ses codes, et il est forcé d’improviser sur le thème donné à chaque scène rédigée par l’héroïne en exil. Il reste que certaines transitions dans le temps et dans l’espace gagneraient à être mieux ficelées pour assurer une meilleure compréhension de l’intrigue.
Talia développe pour Julie l’amitié inflammable et parfois éphémère commune aux adolescentes assoiffées d’approbation. Elle adule de façon irrationnelle celle qui l’a sauvée du mépris réservé aux étrangers, de la peur d’être différente. Talia s’accroche à Julie comme un bouée dans cette mer de nouveautés. Échevelées, grattant leurs guitares imaginaires au son de Metallica, les deux filles forment un duo improbable, comme une fleur bleue qui s’éprend d’un garçon manqué, l’idéaliste, du rationaliste.
L’histoire prend une tournure intéressante lorsque Talia se retrouve étrangère parmi ceux qui devraient être les siens, au souper communautaire de sa mosquée. Dans les limbes entre ses deux citoyennetés, elle forge sa personnalité et ses valeurs et tente de réaliser ses rêves de petite fille, dans le temps où elle emballait furtivement des fragments d’arabe et de souvenirs en disant adieu à son pays natal.
Le jeu de Mirian Katrib dans le rôle de Talia est brillant sur toute la ligne. Bien que sa facilité à passer d’un personnage à l’autre soit impressionnante, certains dialogues auraient toutefois pu être davantage appréciés en ajoutant un ou deux comédiens. Voir Katrib se donner la réplique pour éviter des changements de personnages aussi étourdissants.
La pièce se conclut sur une reprise émouvante de «Bird On the Wire» de Leonard Cohen traduite en arabe et bien à l’image du Québec d’aujourd’hui. La voix de Katrib est cristalline et apaisante, le genre de mélodie qui rend le cœur léger, qui nous soulage sur le sort d’une jeune fille qu’on a vu grandir devant nos yeux et à laquelle on réussit à s’attacher comme l’une des nôtres en un peu plus d’une heure.
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Par Maxime Côté
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