ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Hugo B. Lefort
Les fades néons d’une chambre d’hôpital s’allument sur Patrick, blafard et alité. La situation est cocasse: le malheureux s’est ouvert la jambe en brisant le verre lors de la cérémonie de mariage traditionnel avec son épouse de confession juive. Assis sur son lit, son meilleur ami, Philippe, tente de lui remonter le moral à coup de blagues bien lourdes sur la religion de la jeune mariée. La salle s’esclaffe et les rires nerveux fusent. En choisissant d’assister à ce spectacle, le public savait à quoi s’attendre.
L’humour est un peu lourdaud, mais le ton de la comédie populaire et potache est savamment maîtrisé par Alexis Lemay-Plamondon et François-Simon Poirier, qui interprètent ce duo d’amis inséparables. Mais c’était sans compter sur Isabelle qui entre en furie dans la chambre pour dénoncer à son mari le geste affreusement déplacé de Philippe lors du mariage. Cette fois, il est allé trop loin dans «l’humour juif». La belle-famille en est toute retournée et Patrick doit désormais choisir entre sa femme et son meilleur ami. Et, bien entendu, les péripéties des personnages malchanceux de Mazal Tov ne s’arrêteront pas là.
Marc-André Thibault a voulu pousser la farce encore plus loin et passer les portes de l’absurde. Isabelle, révoltée par le geste de Philippe, le frappe violemment et celui-ci se retrouve tétraplégique après une chute dans les escaliers. La situation s’enfonce dans l’invraisemblable.
Alors que la trame de la narration tombe dans une inattendue spirale dramatique, la mise en scène, comme la direction d’acteurs, passent d’un registre à l’autre, plongeant le spectateur dans l’incompréhension. Comédie, enquête policière, drame familial, devoir de mémoire: on ne sait plus très bien à quel objet théâtral on a affaire. Ce que vivent les personnages de Mazal Tov relève d’un tel cauchemar d’absurdité qu’il est bien difficile d’y croire et d’être touché par le jeu hyperréaliste des comédiens.
Cette création de Marc-André Thibault semble s’être perdue en cours de route et gagnerait à se concentrer sur l’humour décalé et le théâtre de l’absurde esquissés en début de proposition, puis noyés sous une avalanche d’idées non abouties. Malheureusement, l’ensemble crée une impression de démesure maladroite et finit par faire oublier son audace sous de longues tirades de bons sentiments.
Mais surtout, si la pièce affirme pouvoir rire de tout et démonter les clichés religieux et culturels, elle a visiblement oublié de balayer devant sa porte. Le traitement du personnage d’Isabelle, seule figure féminine de Mazal Tov, est d’une révoltante misogynie. Hystérique, dépressive, capricieuse et castratrice, l’image de la femme en prend un sacré coup… et cela est difficilement pardonnable.
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Par Hugo B. Lefort
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