ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Fred Tougas
Agnès, interprétée par Sylvie Drapeau, est introduite par un monologue où elle dresse la liste de tous les types d’individus qui l’énervent et l’horripilent. Divulgâcheur: à peu près tout le monde et son cousin font partie de cette liste.
Ici, l’honnêteté brutale a le dos large, et la quête d’une franchise de tous les instants justifie des opinions où la sensibilité envers l’interlocuteur n’existe à peu près pas. Que ce soit face aux turpitudes liées au divorce de sa meilleure amie Fanny (Stéphanie Cardi), qui habite chez elle «en attendant», ou en réaction aux compositions musicales imbuvables de son fils (Félix Lahaye), la même intensité critique est déployée.
Elle fréquente un acteur au physique d’Adonis (Luc Chandonnet), beaucoup plus jeune qu’elle, et prétend ne pas être affectée par la multitude de groupies qui lui tournent autour. Elle héberge aussi un sans-abri, Elias, un itinérant idéaliste qui prétend être payé par le peuple, via son chèque d’aide sociale, pour réfléchir aux mots et à leur portée.
Tous ces gens évoluent dans le petit milieu de l’art visuel et du théâtre, se rassemblent chez elle pour y tenir salon, et refont le monde sous nos yeux, en l’espace de 48 heures.
Une comédie grinçante et énergique
Dès le lever du rideau, les répliques anthologiques fusent et les spectateurs s’esclaffent. Le rythme des bons mots est soutenu, constant, et au bout d’une heure, on se retrouve comme hors d’haleine, ou du moins on apprécie nettement moins l’ensemble que si les bonnes répliques avaient été plus rares.
C’est un phénomène assez paradoxal, mais est-il possible d’être engourdi par le talent d’une dramaturge? L’effet est étrange, mais il est difficile d’en faire abstraction, et l’auteur de ces lignes se sent presque mal de le souligner.
Le récit finit par s’essouffler en même temps que le spectateur, pour heureusement reprendre de son mordant après un court instant de flottement vers le milieu. Il y aurait eu plusieurs moments adéquats pour conclure sur une note parfaite, mais l’action se poursuit.
On finit par trouver le temps un peu long, et on se considère aussi comme des ingrats d’être légèrement ennuyés par une telle pétarade intellectuelle.
Pour être fidèle à l’esprit de Molière, il fallait bien qu’Agnès paie pour ses attitudes cavalières; après avoir durablement terrorisé son entourage, elle se retrouve abandonnée par tous. Une morale un peu surannée quand on considère que les cibles de ses critiques impitoyables méritaient chacune de ses tirades.
Puisqu’aucun personnage n’est particulièrement attachant, c’est un bonheur que de les voir se faire éviscérer tour à tour.
La mise en scène ambitieuse et énergique de Louis-Karl Tremblay nous réserve beaucoup de belles surprises en cours de route, et l’enthousiasme des interprètes est contagieux, réunissant les conditions gagnantes pour faire passer un excellent moment de théâtre aux spectateurs du Prospero.
La pièce «Mademoiselle Agnès» en images
Par Fred Tougas
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de la rédaction