ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Maxime Côté
Dès notre entrée dans une salle comble s’offre à notre regard une scène pour le moins inhospitalière: des murs gris et troués, griffés en certains endroits par des ongles désespérés, rappellent le cachet rustique d’un appartement à St-Henri. Ça suinte la misère, l’agonie et le délire. La table est mise!
Ces murs appartenaient aux membres de la famille Gardner dont l’histoire est racontée. À l’origine des problèmes naissants chez le couple de fermiers, un météore écrasé dans les collines, contaminant eau, plantes et créatures à proximité.
À l’instar d’une multitude d’auteurs fantastiques d’antan, les écrits de Lovecraft se terminent le plus souvent avec un personnage perdant totalement la raison. L’esprit abandonne, faute de repères fiables sur lesquels compter. Stacey Christodoulou, metteure en scène et directrice de la compagnie The Other Theatre, voulait rendre hommage à cette grande plume de la littérature classique et on peut dire qu’il s’agit là d’une demi-réussite. Si le but de l’exercice consistait à nous faire douter de notre santé mentale et de notre capacité de compréhension, alors chapeau.
Même en connaissant la nouvelle écrite par Lovecraft, il était facile de s’égarer et de se demander ce qui se passait sous nos yeux. Non pas en raison de la nature soi-disant expérimentale de la pièce qui, disons le franchement, affichait plutôt une tenue conventionnelle, voire presque timide.
Ce serait plutôt parce qu’on nage dans les eaux troubles du rêve, peut-on lire dans le programme. Soit, faire appel au subconscient peut devenir intéressant, encore faut-il que les images génèrent une réponse émotionnelle de la part du public, ce qui était loin d’être toujours le cas. L’intention dépassait clairement le résultat.
Par ailleurs, le choix d’un format bilingue (la narration et deux comédiens s’exprimant uniquement en anglais) demande assurément une plus grande concentration. De même que l’utilisation de deux acteurs pour en interpréter quatre, différenciés par des accents vocaux et quelques accessoires peu visibles, requiert également cette faculté bien spéciale consistant à ne pas se laisser distraire par un manque de focus dû à un trop-plein de mouvement sur la scène ou à un voisin toussant trop fort.
Sinon, performances correctes des membres de la troupe, avec mention spéciale pour Anana Rydvald qui, avec sa prestation physique et occasionnellement intense, tenait des airs de prêtresse millénaire prêchant pour quelque dieu innommable. Inversement, Dean Makarenko, gaillard longiligne vêtu d’un pantalon brun et d’un t-shirt vert, rappelait avec ses gestes mous le grand dadais Shaggy, héros peu gracieux de la série pour enfants Scooby Doo. On demeure dans la thématique «mystère», mais bon, un sourire s’esquisse. Était-ce voulu? Nous ne savons que dire.
Pour en finir avec les acteurs, ceux-ci ne semblaient pas en phase les uns envers les autres, même lors de scènes en duo, tirant chacun dans une direction leur étant propre au lieu de nourrir la performance de son vis-à-vis. Les expériences antécédentes prenaient le dessus, alors que Marc-André Goulet semblait jouer un numéro d’homme-lézard pour le Cirque du Soleil, que Dean Makarenko et Anana Rydvald s’échauffaient pour un numéro dansant et que les deux plus jeunes, Thomas Duret et Véronique Lachance, fraîchement diplômés d’études en théâtre, manquaient eux d’expérience et semblaient par moments réciter plutôt qu’interpréter. Rien de trop grave, mais un resserrement dans le jeu d’ensemble n’aurait certainement pas fait de tort.
À la tombée du rideau, les applaudissements furent sincères et mérités sans toutefois générer une ovation comme il est de coutume un soir de première. Une heure de théâtre mi-figue mi-raisin, mais vite passée en bonne compagnie. On aurait aimé plus de frissons et moins de confusion, mais surtout plus de folie!
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Par Maxime Côté
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