ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Tous droits réservés, ESPACE GO
«La langue vive et crue de DeLappe m’a rapidement séduite. J’y voyais une rare occasion de réfléchir au vivre ensemble et à la notion de justice par le prisme de personnages féminins ambitieux et puissants.» – Solène Paré
Le soccer au cœur des rencontres
La pièce Les Louves met en scène neuf jeunes filles qui se rencontrent chaque semaine sur un terrain de soccer, lors de leurs échauffements avant le match de qualification pour les championnats nationaux. Au détour de leur préparation physique et sportive, elles abordent ensemble des sujets comme Netflix, Harry Potter, les premières menstruations, mais aussi les guerres de religion. On assiste à leurs prises de position, leurs joutes exaltées et le délicat passage à l’âge adulte.
Dans cette pièce, Noémie O’Farrell joue la capitaine de l’équipe: «Je suis l’autorité, la mère du groupe. Je deviens leur coach aussi puisque, en fait, celui-ci n’est jamais là. Mon personnage est un peu pris avec ce qu’on attend de lui, autant au sens propre que figuré. Elle doit tenir le groupe, le souder. Elle s’impose aussi beaucoup de pression pour correspondre au moule et pour faire les bonnes choses. À travers cette saison d’entraînement, elle va réussir à s’émanciper et à s’appartenir davantage à elle-même plutôt qu’aux autres.»
Perdre son innocence, ouvrir les yeux sur le monde
Le texte de Sarah DeLappe offre un portrait actuel et sans détour de neuf jeunes femmes qui passent à travers l’adolescence. «Pour moi, le thème central de cette œuvre est la perte de l’innocence», explique Solène Paré. «Avec l’équipe de conception, nous cherchions à faire ressentir l’éclatement d’un cocon, à passer d’un terrain synthétique rassurant à un espace de doute où la mort circule».
Autour de ce pôle majeur, l’auteure vient greffer des sujets d’actualité brûlants. D’après Noémie, ceux-ci sont d’ailleurs traités avec beaucoup de sensibilité et de finesse: «Tout de suite, j’ai été frappée par la prouesse avec laquelle elle […] arrivait à faire un parallèle avec le monde; le petit et le grand se côtoient très bien. Il y a des scènes où les dialogues s’entrecroisent et où les jeunes femmes parlent autant de sujets comme la guerre au Cambodge que des premières menstruations. On distingue bien les grands enjeux politiques, sociaux, géographiques versus les petits drames humains de l’adolescence.»
Enfin, Les Louves parle des réseaux sociaux et du rôle souvent primordial qu’ils jouent dans le quotidien de ces jeunes filles. Noémie, qui d’ailleurs est présentement à l’affiche du film Fabuleuses «à l’ère des Like», avoue: «J’ai un rapport amour-haine avec les réseaux sociaux. J’essaie de voir comment je peux en tirer profit d’une façon qui dépasse mon propre intérêt. Je réfléchis, en tant qu’artiste, à la façon dont on peut s’approprier cet espace qui est public pour envoyer de la lumière et de l’espoir au monde»; avant d’ajouter: «Je trouve qu’on manque de recul et j’aurais trouvé ça très confrontant d’être adolescente à l’ère des réseaux sociaux. C’est une mise en scène de la vie, ça doit être très difficile pour les jeunes d’avoir du recul vis-à-vis de ça.»
Une mise en scène réfléchie et rigoureuse
L’histoire entre Solène Paré et ESPACE GO a commencé lors de la saison 2018-2019, où la metteuse en scène y a fait son entrée comme artiste en résidence. Le déclic a été immédiat: «En mars dernier, j’y ai présenté une reprise de mon Quartett dans la petite salle, spectacle que j’avais présenté pour une première fois à l’École nationale de théâtre du Canada en 2015 dans le cadre de ma formation en mise en scène. J’ai pu, dès lors, jouir de conditions de création exceptionnelles (longue période d’entrée en salle, accompagnement administratif, dialogue artistique avec la directrice Ginette Noiseux, etc.) tout en faisant la rencontre du public de ce théâtre féministe axé sur la recherche formelle.»
La comédienne Noémie O’Farrell ne cache pas son enthousiasme quant au travail de Solène Paré, dont les choix artistiques reflètent, selon elle, un travail épuré et juste. Par exemple, dans Les Louves, Solène se sert de l’économie des gestes pour faire émerger la théâtralité, «car on trouve quelque chose de quotidien dans les conversations, mais le corps est investi d’une façon qui le dépasse», explique-t-elle. «Solène est une fille brillante. Elle a compris les nuances dans le texte, les enjeux et les parallèles politiques qu’on pouvait faire avec le sport. Elle porte une réflexion sur le monde dans lequel on vit et je trouve ça très intéressant.»
Retrouvez sur scène les comédiennes Claudia Chan Tak, Claudia Chillis-Rivard, Leïla Donabelle Kaze, Célia Gouin-Arsenault, Dominique Leduc, Stephie Mazunya, Alice Moreault, Noémie O’Farrell, Elisabeth Smith et Zoé Tremblay-Bianco. N’attendez plus et procurez-vous vos billets pour la pièce Les Louves, présentée du 10 septembre au 16 octobre 2019, sur le site du Théâtre ESPACE GO au www.espacego.com/saison-2019-2020/les-louves.
Note: Lors des vendredis GO, les personnes de 30 ans et moins bénéficient d’un tarif exceptionnel de 20 $ par billet et peuvent prolonger leur soirée dans le café-bar du théâtre pour un après-spectacle festif et décontracté: musique préparée par des DJ, pop corn, choix varié de gins et de bières…
*Ce texte a été produit en collaboration avec ESPACE GO.
«Les Louves» à ESPACE GO en images
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