«ROME» de Brigitte Haentjens et Jean-Marc Dalpé à l'Usine C – Bible urbaine

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«ROME» de Brigitte Haentjens et Jean-Marc Dalpé à l’Usine C

«ROME» de Brigitte Haentjens et Jean-Marc Dalpé à l’Usine C

Une aventure titanesque qui mérite le respect!

Publié le 14 avril 2023 par Guy-Philippe Côté

Crédit photo : Maxim Paré-Fortin

En 2015, Brigitte Haentjens et Jean-Marc Dalpé viennent de finaliser leur adaptation de la pièce «Richard III», présentée au Théâtre du Nouveau Monde. Ils discutent alors de leurs prochaines collaborations. De cette tempête d’idées surgissent les tragédies romaines de Shakespeare. Saviez-vous qu'Ivo Van Hove, metteur en scène d'origine belge, avait présenté en 2010 ses «Tragédies romaines» au Festival TransAmérique de Montréal (FTA)? Celle-ci ne contenait qu’un ensemble de trois pièces, alors que Shakespeare en a écrit cinq. Le duo Haentjens-Dalpé s’est donc mis en tête de toutes les jouer à l'occasion d'un spectacle monumental de 7 heures et 14 minutes!

Sur la naissance de Rome

ROME s’amorce par Le viol de Lucrèce. Ce poème dramatique de Shakespeare raconte, vous l’aurez deviné, le viol de Lucrèce.

Celle-ci est la femme de Collatin, lieutenant des troupes romaines. Son agresseur est Sextus Tarquin, frère d’armes de Collatin et fils du roi Tarquin. Lucrèce a tout juste le temps de dénoncer son assaillant avant de se suicider.

De cet affront, une révolte gronde à Rome. Sextus Tarquin et les siens sont bannis de la cité, et la République romaine est alors instaurée.

Photo: Maxim Paré-Fortin

De ces tragédies romaines qui font écho à nos climats politiques

La finale de ce poème lyrique mène à Coriolan. Cette pièce porte sur Marcius Caïus, soldat-vétéran banni de Rome par un tour de passe-passe politique. Or, ce dernier s’allie avec les Volsques afin d’attaquer la République. Il arrive à leur porte. Sa mère, Volumnia, le convainc de signer un accord de paix. Mais il est déjà trop tard… Marcius se rend à Rome pour donner le traité et se fait tuer par la foule, qui est autant romaine que volsque.

La fin de Coriolan mène à Jule César. Le récit raconte la mort de César et ses répercussions sur la cité. Antoine, bras droit de César, reprend l’incertitude politique à son avantage. Il chasse Caïus, Brutus ainsi que leurs complices de la cité.

Dans une espèce de suite à Jule César, Antoine et Cléopâtre, quant à elle, porte sur la chute du pouvoir d’Antoine au nom de son amour pour Cléopâtre.

Une odeur de sang rouillé ou l’histoire de la chute de Rome

Finalement, un saut dans le temps nous mène à Titus Andronicus. Là, c’est la décadence à Rome. Titus Andronicus est le général de l’armée romaine revenu victorieux d’une campagne contre les Goths. Sa fille Lavinia se fait violer brutalement par Demetrius et Chiron, fils de la reine des Goths.

Ils lui coupent sa langue et ses deux mains.

Martius et Quintus, fils de Titus, sont accusés d’avoir commis cet acte infâme et sont donc mis à mort. Il ne reste du clan Andronicus que Titus, Lucius, le frère Marcus et Lavinia. Ensemble, ils fomentent un plan: capturer Demetrius et Chiron et les cuisiner en tarte.

Ils invitent ensuite la famille impériale et servent le mets aux convives. Titus, Lavinia, Marcus, Saturnin et Tamora meurent durant le repas.

Lucius devient, de facto, le nouvel empereur de Rome.

Photo: Maxim Paré-Fortin

Mon verdict sur cette aventure titanesque

Je ne dirai que ceci: ce projet est pour le moins titanesque!

Imaginez, cinq pièces de théâtre de Shakespeare mises bout à bout. 7 heures et 14 minutes de tragédies qui se succèdent et où l’on passe à travers l’histoire entière de Rome. Et une vingtaine d’acteurs pour jouer tous les personnages…

Juste pour cela, l’œuvre mérite mon plus grand respect.

En plus, c’est le talentueux Jean-Marc Dalpé qui a assemblé le texte. L’action y est très violente. C’est peut-être juste moi, mais recevoir Titus Andronicus en pleine face à minuit et demi après six heures consécutives de théâtre, c’est tout de même brutal!

Ce qui fait la beauté de ce spectacle, c’est avant tout le fait que Dalpé ne traduit pas Shakespeare; il le réécrit, le raboute et insuffle à son œuvre un français américanisé comme seule une plume ontaroise sait le faire.

Avec Jean-Marc Dalpé, Shakespeare sacre, dit fuck et passe de l’anglais au français quatre fois en une seule phrase. Il y ajoute même par moments des moments de contemporanéité, lesquels rendent l’action plus actuelle. D’ailleurs, nul besoin d’être féru de théâtre pour comprendre le lien entre l’attaque du Capitole aux États-Unis et l’assaut du Capitole de Coriolan!

Et ce texte dramaturgique me mène à parler du jeu des acteurs. Évidemment, l’un des problèmes qui peuvent survenir lors d’un spectacle aussi long, c’est qu’inévitablement certains acteurs vont trébucher dans leur texte à un moment ou à un autre. C’est regrettable, mais un peu inéluctable, et c’est la raison pour laquelle je suis plus apte à laisser passer quelques bévues.

Mis à part ces quelques faux pas, de vraies pépites se retrouvent dans ce spectacle, notamment la beauté des poses statiques d’Iannicko Ndoua et d’Alice Pascual dans Le viol de Lucrèce; les colères de Sébastien Ricard dans Coriolan, qui sont mémorables; les moments de doutes de Céline Bonnier en Brutus dans Jules César que j’ai trouvé particulièrement marquants; mais la Palme va définitivement à Jean-Moïse Martin et Madeleine Sarr dans Antoine et Cléopâtre, car ces deux-là ont su insuffler ce feu intérieur qui les consume à leur personnage lors de leur tragédie éponyme.

En somme, ROME, c’est toute qu’une épopée! Elle peut paraître, ma foi, insurmontable, mais je vous recommande quand même d’aller vivre cette expérience.

Et vous avez même le choix d’assister aux représentations qui débutent à 15 h. Vous sortirez de l’Usine C aux alentours de 22 h 15, ce qui vous laisse amplement le temps, sur le chemin du retour, de prendre du recul face à cette aventure d’une vie!

Le marathon «ROME» à l'Usine C

Par Maxim Paré-Fortin

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    Photo: Maxim Paré-Fortin
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