«Les étés souterrains», un solo de la magistrale Guylaine Tremblay présenté au Théâtre La Licorne

Que nous reste-t-il lorsque la maladie s’empare de notre parole?

C’est à cette question à la fois intelligente et saisissante que l’auteur Steve Gagnon (Ventre, Os la montagne blanche) a voulu répondre en écrivant la pièce monologuée expressément pour la comédienne Guylaine Tremblay.

Un été en Provence

Dans un décor très simple (trois chaises, une table à café et un pot de fleurs) évoquant une maison d’été en Provence, la protagoniste, professeure de littérature au cégep en quête de sensations fortes et d’inspiration, accueille le public avec une exubérance attachante qui contraste complètement avec la douleur et la solitude qui la rongent.

C’est une maladie sans nom, qui n’est d’ailleurs jamais nommée tout au long de la pièce, à mi-chemin entre la sclérose latérale amyotrophique, l’Alzheimer et la démence, qui amène lentement l’héroïne à sa perte. Alors que la protagoniste base toute son existence autour de son amour des mots et de la parole durant ce monologue saisissant, il est d’autant plus douloureux pour le public de constater la difficulté d’élocution qui augmente chez elle tout au long de la pièce.

Pour déjouer la fatalité de son destin, elle parle aussi fort et aussi longtemps qu’elle le peut encore, espérant laisser des traces des bonheurs simples qu’elle déguste comme l’amitié, le bon vin et les débats d’idées entre bons amis.

Guylaine Tremblay au sommet de son art

La prestation de Guylaine Tremblay est absolument magistrale. Durant une heure et quarante minutes, la comédienne d’expérience tient son personnage à bout de bras et passe par toutes les gammes d’émotions possibles, comme seule une femme brillante et complexe qui sait que son heure est venue peut le faire.

La salle baigne dans la joie de vivre de cette protagoniste, femme d’une cinquantaine d’années qui s’assume complètement et qui mord dans la vie à pleines dents.

Profiter de la vie devant une mort imminente, tel est l’objectif que se donne la protagoniste de la pièce. À travers son exubérance et son franc-parler, elle se taille une place de choix dans le cœur du public, et ce, dès ses premières répliques. Son jeu physique, alors que la femme perd peu à peu le contrôle de ses membres, est perturbant de justesse.

Les spectateurs et spectatrices sortent de ce spectacle avec l’impression d’avoir vécu un tête-à-tête précieux avec une femme plus grande que nature.