«L’ombre», un spectacle de Marie Brassard et du Collectif 2023 au Théâtre du Rideau Vert – Bible urbaine «L’ombre», un spectacle de Marie Brassard et du Collectif 2023 au Théâtre du Rideau Vert

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«L’ombre», un spectacle de Marie Brassard et du Collectif 2023 au Théâtre du Rideau Vert

«L’ombre», un spectacle de Marie Brassard et du Collectif 2023 au Théâtre du Rideau Vert

Une symphonie théâtrale

Publié le 15 août 2023 par Flavie Boivin-Côté

Crédit photo : François Laplante Delagrave

La pièce «L’ombre», mise en scène par Marie Brassard et interprétée par le Collectif 2023, sera jouée au Théâtre du Rideau Vert du 23 août au 9 septembre 2023. Le concept est à la fois simple et ingénieux: laisser neuf jeunes interprètes fraîchement sorti∙e∙s des écoles de théâtre s’abandonner complètement à la création et voir quel produit en ressort.

C’est dans un atelier rangé, aux côtés de l’interprète Samuel Boulianne, que Marie Brassard m’accueille tout sourire en visioconférence. Dès les premières minutes de l’entrevue, la complicité entre la metteuse en scène et l’interprète est palpable.

«Vous savez, j’ai eu énormément de chance en sortant de l’école. D’abord, je voulais faire du théâtre de création. Je n’avais pas d’ambition particulière à commencer une carrière tout de suite ici. Après mes études au Conservatoire, j’ai souhaité aller au Japon pour travailler en danse, mais la vie a fait en sorte de me garder ici pour ma carrière, finalement. L’un de mes premiers spectacles a été la Trilogie des dragons avec Robert Lepage. J’ai fait sa connaissance, parce qu’il avait fini ses études un peu avant moi. Nous avons eu la chance d’avoir des atomes crochus et de développer un grand respect l’un pour l’autre. Il m’a proposé de travailler avec lui, et puis ça a tout de suite été un grand succès, et on a voyagé à travers le monde.»

«J’ai été hyper gâtée après mon Conservatoire, car je n’ai jamais eu à faire autre chose que du théâtre ou du cinéma. C’est une chance rare, surtout, qu’aujourd’hui, le monde a changé» — Marie Brassard

Marie Brassard. Photo: Minelly Kamemura

À travers le récit de sa sortie de l’école, on comprend que Marie Brassard, en répondant à l’invitation du Centre National des Arts et du Théâtre du Rideau Vert, a eu envie de donner une chance aussi inouïe que celle qu’elle a eue à de nouveaux et nouvelles interprètes.

Lorsqu’elle mentionne que le milieu a changé depuis son époque, Samuel Boulianne esquisse un sourire qui en dit long.

«On travaille dans un milieu qui est saturé. Il y a tellement de compagnies, tellement de gens. Même en création. C’était un vrai cadeau celui que Marie nous offrait en nous permettant de bénéficier d’une visibilité comme celle-là. Elle a sélectionné des jeunes qui, comme elle, souhaitent faire du théâtre de création. Même pour celles et ceux qui fondent leur propre compagnie, il y a un manque d’espace. On est pris dans une situation dans laquelle, même en participant à des projets bénévolement, il y a trop de gens.»

Le jeune interprète confie également sa déception de devoir passer davantage de temps à tenter d’obtenir des subventions plutôt que de créer. Selon lui, c’est le mode de vie de plusieurs finissants et finissantes des écoles de théâtre: passer plus de temps à convaincre qu’à créer.

Travailler avec des jeunes

Mettre sur pied une production dans laquelle les jeunes se sentiront complètement à leur aise et auront la liberté de partir de leurs propres expériences de vie et de jeu pour bâtir quelque chose en collectif, c’était là le but ultime de Marie Brassard en réunissant Samuel Boulianne, Marion Daigle, Élodie Bégin, Ahlam Gholami, Stella Lemaine, Cassandre Loiselle, Charles-Olivier Maltais, David Noël et Kevin Pereira sur la scène du Théâtre du Rideau Vert.

«Je veux leur donner de la visibilité, leur permettre de faire quelque chose qui leur ressemble complètement et qui vient d’eux. Je veux qu’ils soient fiers de ce qui va être présenté».

Lorsque Samuel Boulianne aborde le processus créatif du spectacle, il parle entre autres de l’importance des improvisations et des liens que les interprètes ont créés entre eux. Il mentionne d’ailleurs que le spectacle va davantage ressembler à une partition musicale qu’à une histoire au schéma narratif clair comme le public a l’habitude d’en consommer.

Samuel Boulianne. Photo:Mélanie Bernier

«Nous avons laissé l’histoire émerger d’elle-même. C’est comme une symphonie: on peut la commencer à n’importe quel moment», explique-t-il.

«Lors de discussions avec le dramaturge Daniel Canty, avec qui on travaille depuis le début du processus, nous sommes arrivés à la conclusion que L’ombre, dans son essence, est une pièce qui tente de faire parler les images. À travers un kaléidoscope d’histoires, on raconte un récit sur le pouvoir révélateur du jeu et de la fiction, et on effectue un voyage qui exprime la part cachée de nos vies et de nos consciences. C’est une histoire sur les élans et les limites de l’imagination.»

Outre le fait de donner tout l’espace à ses interprètes dans le but avoué de créer un produit unique, Marie Brassard leur a surtout accordé du temps.

«Travailler avec neuf personnes, c’était une toute nouvelle expérience pour moi. C’est un travail de longue haleine qui demande de la patience. Honnêtement, la communication a été tellement fluide, tout le monde s’entendait bien, et on a partagé beaucoup de choses. Pour moi, cette création-là a avant tout été une histoire de rencontres et de connexions humaines. Créer ensemble nous a donné beaucoup de plaisir», raconte la metteuse en scène.

Pour Samuel Boulianne, la patience a vraiment été le plus gros défi. Pendant leur parcours scolaire, les jeunes acteurs et actrices sont, la plupart du temps, confrontées à un monde qui leur demande constamment d’être productifs et de répondre aux commandes le plus rapidement possible. Mais avec Marie Brassard, le collectif a pu prendre son temps.

«Quand on va trop vite, on se détache de la vérité», explique-t-il.

 

Lorsqu’elle aborde les avantages de travailler avec des interprètes de la relève, Marie Brassard sourit.

«D’abord, ce sont des gens tellement généreux, tellement curieux. Ils ont une véritable soif d’apprendre. Ils ont peu de préjugés par rapport aux manières de faire et une ouverture qui est très grande. J’essaie toujours de sortir des façons de faire habituelles. La désorganisation fait partie de la création artistique, et ces jeunes-là sont prêts à s’abandonner pour vrai. Ça me touche.»

Je ne peux qu’être intéressée à mon tour par ce magnifique projet qui permettra au public québécois de découvrir neuf interprètes à partir de la fin du mois d’août, mais surtout par l’harmonie qui se dégage du Collectif 2023.

Cette initiative à la fois simple et novatrice devrait par ailleurs servir de modèle pour l’ensemble des metteurs et des metteuses en scène du Québec. Dans un milieu où la prise de risque donne souvent les plus beaux chefs-d’œuvre, pourquoi ne pas laisser davantage la place à la relève?

Du 23 août au 9 septembre 2023, prenez part à une aventure théâtrale exaltante avec L’ombre, présentée au Théâtre du Rideau Vert. Procurez-vous vos billets aux coûts de 30 $ (pour les 30 ans et moins), 43 $ (tarif régulier) ou 37,75 $ (65 ans et plus) pendant qu’il est encore temps en cliquant ici. Le spectacle sera également en tournée au Centre National des Arts d’Ottawa du 28 au 30 septembre 2023. Bon théâtre!

Les neuf interprètes en salle de répétition

Par François Laplante Delagrave

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