ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Nicolas Aubry
Je ne sais pas pourquoi on associe toujours le country aux régions, mais c’est ici une inspiration intarissable pour Benoît Desjardins, qui a écrit le texte pour son Noble Théâtre des trous de siffleux, une compagnie «folk» qui a pour but d’explorer des récits un peu trashs, parsemés de sacres et de poésie. Des histoires que très peu de gens racontent. Des histoires grinçantes, attendrissantes et colorées – et la tradition persiste pour eux depuis 2002.
Ce qui nous est présenté ici, c’est l’absence totale d’illusions de ce père pourtant bien intentionné, et le sort incertain de sa fille unique, orpheline de mère, cohabitant dans un trailer qui ne s’en va nulle part. Leur rencontre avec Betsy (Julie de Lafrenière), qui n’a pas la langue dans sa poche, perturbera leur routine et leur permettra d’espérer, pendant quelques instants, un destin plus lumineux, où Kéven transporterait la guitare de Betsy entre deux shows.
C’est un texte percutant, profondément ancré dans le folklore québécois, parsemé de retours en arrière narrés par une Lisa maintenant adulte, qui se remémore avec nostalgie ce road trip inopiné. Jean-Michel Déry, le mâle de la distribution, offre une performance désarmante de vérité, dans la peau de cet homme attachant qui fait de son mieux avec ce qu’il a: manque d’éducation, élève seul sa fille, philosophant de façon fataliste, toujours prêt à hausser les épaules devant les inexorables bâtons qu’il se fait lancer dans les roues.
La scénographie est sobre: un divan, des haut-parleurs, un tourne-disque. Un salon vintage dans lequel se déroule le gros du drame, tendre et amer, que nous raconte Lisa, interprétée par Dominique Leclerc, qui démontre un phrasé énergique et une habileté déconcertante à passer de l’âge adulte à l’enfance.
C’est une pièce sur l’espoir qui ne nous quitte pas, sur l’enfance, la paternité, la fascination des Québécois d’une certaine classe pour l’Ontario, et ces courants souterrains imaginés par Kéven, qui travaillent sous terre pour ramener à la surface nos vieux rêves brisés.
La pièce «Les courants souterrains» est présentée dans la salle intime du Théâtre Prospero jusqu’au 2 avril 2016.
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Par Nicolas Aubry
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