«L’entrevue éclair avec…» Olivier Ducas et Marcelle Dubois, directeur·trice·s du Théâtre Aux Écuries

Olivier et Marcelle, quel plaisir de vous jaser aujourd’hui pour avoir un petit aperçu de cette nouvelle saison qui se profile au Théâtre Aux Écuries! Alors, what’s up en ce tout début de saison 2022-2023: y a-t-il des nouveautés/surprises que vous nous avez concoctées pour l’occasion?

Olivier: «Oui, bien sûr! Notre saison commence plus tôt que d’habitude, dès le 6 septembre, avec un festival théâtro-sportif qui allie théâtre et lutte: ROYALMANIA, qui (dé)joue les classiques sur le ring. Des spectacles, des lectures publiques, des entrevues, des programmes doubles et des hot-dogs!»

«Il y aura aussi le toujours imprévisible bureau de l’APA, Huit duos pour huit metteur·euse·s en scène (Théâtre I.N.K.), un mois de marionnettes et de théâtre d’objets (La ruée vers l’or et la Pire Espèce), le nouveau spectacle de Système Kangourou, Construction évolutive. Suivront les piquantes et essentielles Bonnes bonnes de Sophie Gee, puis Pirata théâtre qui termine son cycle sur l’effondrement (ironiquement traversé par une pandémie) les deux pieds dans un improbable jardin. Aussi, le Théâtre du Futur, au terme de son septennat à la codirection artistique des Écuries, nous offre en rappel son succès Le clone est triste. Sans oublier le 22^e Festival du Jamais Lu, ses nouvelles voix et ses paroles inédites…»

Marcelle: «Cette année, on ajoute des représentations décontractées, des clubs de lectures familiaux, des discussions philosophiques d’après spectacle qu’on appelle Paroles en Liberté… Pour nous, c’est important d’être un théâtre de quartier et de proposer des moments de rencontres citoyennes, des espaces où l’on va à la rencontre de nos publics très sincèrement. Et… c’est le retour de notre table de baby-foot gratis dans le café-bar… quand on dit qu’on aime les ambiances décontractées!»

Olivier, toi qui es cofondateur du Théâtre de la Pire Espèce, l’une des six compagnies résidentes du Théâtre Aux Écuries, peux-tu nous dire en quoi la mission de cette institution théâtrale montréalaise te rejoint du point de vue des sujets abordés et du travail créatif qui y est réalisé?

Olivier: «On a fondé le Théâtre Aux Écuries pour accompagner et mettre en valeur des processus atypiques de création, des écritures et des paroles neuves. Notre mandat est d’offrir du temps et des espaces de qualité pour que les artistes puissent mener à bien leurs recherches. Puis le résultat de ce processus (un spectacle) est partagé avec le public. On n’accueille pas une thématique ou une distribution “gagnante”, on accueille une démarche audacieuse.»

«Ce que ça signifie au quotidien pour moi comme créateur au sein de la Pire Espèce, c’est que je conserve une grande liberté sur ma création, sur mes communications, sur mes actions de médiation. Je ne suis pas absorbé par l’identité ou la ligne artistique du théâtre. Je peux prendre des voies nouvelles à chaque création, me lancer des défis. Je crée dans un endroit, au sein d’un collectif qui encourage la prise de risque.»

«Et même si j’arrive avec des propositions bizarres ou difficiles à réaliser, l’équipe des Écuries se met toujours en mode solution pour rendre ça possible, et pour que le public y ait accès! C’est vrai pour les compagnies résidentes autant que pour les compagnies en accueil.»

Cette année, ce sont les Productions Menuentakuan qui ont rejoint votre collectif de compagnies résidentes pour un mandat de 7 ans! Voudriez-vous nous glisser quelques mots au sujet de leur identité artistique et de leurs créations? On est curieux de savoir ce qui vous a séduit chez eux et ce qui vous a donné envie de les intégrer à votre équipe!

Olivier: «Quand on a fondé le théâtre il y a 11 ans, tout le monde disait que la direction en collectif ne fonctionnerait jamais. Ils avaient tort! En fait, c’est extrêmement riche. À dix codirecteur·trice·s, il y a nécessairement une obligation de nommer, de débattre, de questionner. Le grand avantage, en fait, c’est cette différence, cette complémentarité entre les membres du collectif de direction artistique.»

«Et pourtant, malgré nos valeurs d’ouverture, nous sommes conscient·e·s que, même en collectif, il y a des angles morts dans notre réflexion, dans notre vision du monde.»

«L’arrivée de Menuentakuan va assurément nous bousculer. Et c’est ce qu’on souhaite! Les gars de Menuentakuan sont à la fois francs, frondeurs (on aime ça) et très ouverts. Ils réussissent à insuffler par leurs spectacles et à incarner dans leur direction un réel et nécessaire dialogue entre les communautés. Il y a un irrésistible alliage d’enthousiasme, d’humour et d’engagement dans leur démarche qui nous a unanimement séduits.»

Marcelle: «Les Productions Menuentakuan nous amènent là… sans jamais nous faire sentir insuffisants ou inadéquats. Et il faut le dire: ce sont des artistes qui ont le sens de la fête… comme Aux Écuries!»

Et alors, quel est le fil conducteur qui vous a guidés pour mettre en place la programmation de cette saison 2022-2023? Y a-t-il des thématiques spécifiques ou des enjeux clés que l’on retrouve au cœur des spectacles présentés au Théâtre Aux Écuries?

Olivier: «On ne crée pas une saison à partir d’un thème énoncé en amont (ou une ligne de communication). La saison, pour nous, c’est tout ce qui se fait dans le théâtre. Création, diffusion, médiation, festivals.»

«Une idée forte émerge parfois a posteriori, une fois qu’on observe l’ensemble des événements que contiendra notre saison. On constate alors des lignes de force partagées par les créations.»

Marcelle: «Exactement, une pensée collective émerge toujours des saisons. Cette année, ce qui se dégage, c’est une étrange impulsion qu’on pourrait nommer L’Éloge de l’incertitude. Comme si les artistes proposaient à travers leurs œuvres d’épouser l’instabilité de nos vies que commande l’époque. Comme s’ils en appelaient à un changement de paradigme humain. Au lieu de se croire immortels, et si nous embrassions la fragilité de nos existences? Si, aux catastrophes annoncées, nous brandissions l’humilité de nos incertitudes pour avancer collectivement?»

Enfin, bien sûr, le Théâtre Aux Écuries continuera de faire vivre son Centre de Création, «qui constitue son ADN»! En quoi consistent les Accueils de luxe, les Accueils éclair et les Accueils partenaires exactement, et en quoi ceux-ci contribuent-ils à rythmer l’activité du théâtre et à dynamiser la création artistique locale, d’après vous?

Olivier: «En plus des compagnies résidentes, qui présentent une production (ou profitent d’une résidence) à chaque saison, nous avons trois formules d’accueil. L’Accueil de luxe, offre à une compagnie, collectif ou artiste, une résidence de création sur deux ans. La première année, une résidence; la deuxième année, une codiffusion dans la saison. Deux compagnies par année sont ainsi choisies.»

«Cette saison, les spectacles des compagnies qui terminent leur accueil-deluxe sont Racontars arctiques (La ruée vers l’or), Bonnes bonnes (Nervous Hunter) et L’espèce fabulatrice (Pirata Théâtre) (exceptionnellement, trois compagnies cette année suite au contexte pandémique).»

«L’Accueil éclair est un soutien ponctuel qui peut prendre différentes formes: espace de location, soutien administratif, mentorat artistique, prêt de matériel… Les artistes, surtout les plus jeunes, ne peuvent pas toujours prévoir et s’engager plus d’un an à l’avance. Et parfois, certains gestes artistiques doivent se réaliser rapidement, en réponse à des événements d’actualité, par exemple.»

«Enfin, certains organismes artistiques et/ou festivals, dont les mandats s’arriment au nôtre (recherche formelle, soutien aux artistes émergents) sont aussi accueillis en saison. En guise d’exemples, LA SERRE – arts vivants, Casteliers, de BIGICO ou des finissants de Saint-Hyacinthe nous permettent de poursuivre notre mandat par partenaire interposé!»

Marcelle: «Exactement! VOUS ÊTES ICI/YOU ARE HERE, par exemple, prendra d’assaut tous les espaces du Théâtre Aux Écuries dès le 18 novembre 2022 et les billets sont déjà en vente. Quant au festival du Jamais Lu, il aura lieu du 4 au 13 mai 2023.

Alors, vous avez l’eau à la bouche? On en rajoute une goutte en vous partageant la bande-annonce du tout premier spectacle de la saison, présenté dans le cadre de ROYALMANIA, Dick the Turd. Allez voir ça, ça promet!

Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.