ThéâtreL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Hana Benveniste
Michelle, Véronique, il y a déjà plusieurs années que vous évoluez toutes les deux dans le milieu du théâtre, que ce soit comme metteure en scène, directrice artistique ou comédienne (ou les trois à la fois!) À quel moment de vos vies, au juste, vous avez ressenti l’appel pour les arts de la scène, et qu’est-ce qui vous allume le plus dans l’acte de créer pour éblouir un public?
M. P. : «Ado, j’ai eu une phase où je tripais poésie… je tripais solide! Je passais mes midis à recopier des poèmes à la bibliothèque de mon école secondaire. Après avoir compris que je pouvais emprunter ces recueils de poésie (je ne sais pas pourquoi, je pensais qu’on ne pouvait pas les louer. Dans ma tête, c’était comme «trop précieux»), j’ai aussi compris qu’on pouvait dire ÇA à un public. C’est donc parti de l’amour de la poésie et de l’envie de transposer la poésie en matière vivante.»
«Pour moi, faire des spectacles (écrire, mettre en scène, jouer), c’est un peu comme faire du bricolage. J’ai toujours l’impression d’être en train de préparer une surprise-party. Avec Comment épouser un milliardaire, grâce à sa forme et à la façon dont le texte est adressé au public, ce sentiment est encore plus présent. On est loin de la poésie de mon adolescence, mais il y a dans ce texte plein de petits mots qui font plaisir à l’ado un brin jokes de papa en moi.»
V. P. «La légende dit qu’à trois ans, je montais dans le lit de mes parents et que je leur disais: “Mesdames et messieurs, Véronique Pascal!”. Sans blague, je cherche plus tant à «éblouir» un public. Ce qui m’allume, c’est la transformation qu’on subit avec différents projets, de l’étincelle au spectacle.»
La raison pour laquelle on a le plaisir de vous interviewer en tandem, c’est que vous dévoilerez, dès le 13 avril, les fruits d’un travail collectif que vous avez réalisé à deux têtes, à savoir une version au goût du jour du one-woman-show à succès Comment épouser un milliardaire, qui a fait un tabac en France dans la dernière décennie! Parlez-nous de sa genèse et dites-nous quels ont été les avantages, pour vous, de travailler en tandem.
V. P. «Le projet est né en France grâce à la comédienne Audrey Vernon, qui a amorcé sa recherche il y a plus de douze ans. Depuis, certains trucs ont changé, mais le propos demeure terriblement actuel. Aussi, on se connaît énormément Michelle et moi, on est capables de se «dire les vraies affaires». Personnellement, j’adore travailler en équipe, c’est une dynamique stimulante pour moi.»
M. P. «Je suis tombée sur la version française lorsque j’étais en contact avec Audrey pour un autre projet et j’ai jubilé (et je ne suis pas la seule: douze ans plus tard, le spectacle a été repris en Italie, en Corée et se joue toujours en France!)»
«J’adore ça, ça me donne l’impression de faire partie d’un réseau clandestin de futures mariées. C’est plus grand que nous. Ce qui m’a fait tomber sous le charme, c’est que ce spectacle est dénonciateur sans être moralisateur, lumineux mais terre à terre, grinçant mais plein d’amour, et surtout, on y nomme l’innommable. Pour moi, c’est cathartique. Comme actrice, rares sont les fois où j’ai eu à plonger dans l’humour sur scène. C’était un peu un fantasme.»
«Pour sauter là-dedans, j’ai eu envie de m’entourer de filles qui m’étaient chères, proches et que j’admire. Véro, on se connaît depuis le cégep, on est nées de la même pluie. Je l’ai souvent dirigée comme metteure en scène, et c’est elle la comique de nous deux. On s’échange les forces et il y a beaucoup de bienveillance entre nous. Avec nous, on a Marie-Ève Archambault, une perle, qui complète notre noyau.»
Présenté sur la scène du Théâtre Aux Écuries, ce spectacle va permettre à nos lecteurs de vivre une expérience humoristique et explosive (!), car lors de votre séance de réécriture, vous vous êtes intéressées à ces «marginaux inatteignables», les milliardaires, et à la «mécanique du capitalisme mondialisé et l’explosion des inégalités». Qu’est-ce qui vous a particulièrement interpellé dans la facture originale, et dans quelle direction êtes-vous allées avec cette adaptation au goût du jour?
V. P. «Le texte original était on point, mais très «français» dans sa facture (of course) et dans son humour. Il fallait rendre ça Queb et plausible pour une fille d’ici. Puis, on a aussi nos milliardaires au Québec! Il fallait s’approprier tout ça et retrouver la légèreté de ton.»
M. P. «Audrey nous a donné carte blanche. Notre trio, bien humblement, est quand même une machine à idées… Ça fait presque trois ans que je reçois des alertes Google sur les actualités concernant les milliardaires. Chaque fois, on cherche la blague ou la tournure de phrase pour essayer d’exploiter la nouvelle actualité.»
«Quand tu suis Elon Musk ou Donald Trump, les petites blagues se collectionnent toutes seules. Ils sont tellement dans une «autre réalité» que, parfois, il n’y a qu’à relever l’absurdité ou la grandiloquence de ces personnages pour mieux en rigoler. Même si, en vrai, ces constats sont terriblement tristes. Mais le rire, quand il est partagé, permet d’entendre n’importe quoi (le laid, le beau, le tragique, le triste) sans confrontation. Et surtout, c’est rassembleur.»
«On s’est aussi intéressées à nos milliardaires d’ici. Bon, c’était assez facile, parce qu’au Québec, il n’y en a que douze. Initialement, on devait jouer en mars 2020. Pendant l’année de jachère, on a tout actualisé. Saviez-vous que Vuitton fait maintenant des visières à 900 $ et qu’on peut avoir du gel hydroalcoolique de Chanel?»
On vous lance un petit défi. Vous disposez, chacune, de seulement 30 secondes pour convaincre nos lecteurs de courir au théâtre pour aller voir ce spectacle… qu’auriez-vous envie de leur dire pour qu’ils s’assurent de réserver la soirée de leur choix, du 13 au 17 avril?
M. P. : «Si vous êtes célibataires, j’ai vraiment de bons partis à vous présenter. Si vous êtes déjà en couple, vous avez juste à devenir «milliardaire»! Ce n’est pas si difficile, vous allez voir, je vais tout vous expliquer. Ce n’est pas juste un spectacle; le retour d’investissement peut être très intéressant!»
V. P. «Cher lecteur.trice, si tu ne viens pas, le monde va s’écrouler! Ah! Ben non. Que tu viennes ou pas, l’Ancien Monde s’écroule (et doit s’écrouler). Ce projet va te donner tout ce qu’il te faut pour en convenir. Michelle est vraiment drôle et bonne et bright, et il n’y a plus de billets pour le show à Guylaine Tremblay. SO YOU KNOW WHAT TO DO, LECTEUR.TRICE!»
On le sait, on vous voit aller avec vos compagnies respectives, vous êtes toutes deux actives dans le milieu des arts de la scène. On serait curieux de savoir si vous avez déjà le cerveau occupé à d’autres projets en parallèle, ou du moins… avez-vous une idée de ce que vous réserve 2021, malgré le contexte – comment dire? –exceptionnel?
M. P. «Comment épouser un milliardaire, c’est le premier spectacle du «cycle de la collapsologie», un cycle de création de trois spectacles que je fais au Théâtre Aux Écuries sur notre rapport à l’effondrement du vivant. C’est très joyeux (ça l’est un peu, quand même!)! Le premier spectacle se concentre sur «l’avant l’effondrement» dans la splendeur du capitalisme, le second se penche sur «le pendant que tout s’effondre» et s’intitule 100 secondes avant minuit. Et le dernier imagine «l’après».»
Ce sont des créations à partir du réel de l’actualité, de témoignages que l’on brasse, que l’on bricole et qui intègrent des artistes et des citoyen.ne.s. Nous sommes présentement en création… mais on peut vous dire que le deuxième spectacle est en chemin pour voir le jour dans les mois à venir. On se croise les doigts… avec du Purell!»
V. P. «Dernièrement, j’ai enregistré quelques podcasts pour enfants complètement cool avec La puce à l’oreille, c’était génial; j’ai hâte que ce soit lancé dans l’univers. Pendant la pandémie, j’ai pris part à plusieurs projets, notamment avec Bluff, qui naîtra en janvier 2022 dans trois lieux différents du Québec. J’ai aussi participé à Prince Panthère avec le Petit Théâtre de Sherbrooke, qui sera en création en 2021-2022, puis à L’amour au 21e siècle (selon Wikihow) de Les Compagnons Baroques, qui est sur le feu aussi. À suivre…»