ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Mario Villeneuve
Pour ce projet intitulé Le Pommetier, Ubus Théâtre a choisi de collaborer avec une autre compagnie théâtrale: Pupulus Mordicus. L’univers marionnettique qu’ils maîtrisent si bien établit leur point de jonction. Le Pommetier se déploie en quelques tableaux que nous traversons progressivement, bien guidé.es, afin de rejoindre Bérengère qui nous attend patiemment… dans son autobus jaune.
Petite équipe dit grande générosité
Agnès Zacharie (Bérengère), qui est à l’origine de ce spectacle et qui est également la directrice artistique et générale d’Ubus Théâtre, compose la moitié de la distribution avec à ses côtés Pierre Robitaille. Ce dernier, qui est d’ailleurs le directeur artistique de Pupulus Mordicus, est lui-même le concepteur des marionnettes et autres objets en mouvement du spectacle.
Les deux comédien.nes se situent dans des zones de jeu pour le moins différentes mais se rejoignent dans leur présence pleine, authentique et accueillante. Ils nous intègrent parfaitement à leur environnement. Ils nous captivent autant qu’ils nous laissent simplement vivre et être là.
À cet effet, le pari d’associer individualité et communauté, autrement dit solitude et vivre-ensemble, est relevé. Nous voyons sa possibilité et nous le sentons dans nos corps tranquilles, confortablement assis et en sécurité sur nos sièges attitrés. On ne force rien et il y a bel et bien échange.
Une poésie loin d’être abstraite
Le temps est compté. Trente-trois minutes de représentation peuvent sembler brèves. Pourtant, quand on s’arrête vraiment, on parvient à dilater le temps. De par sa mise en scène, Martin Genest réussit à nous amener là où il faut. Les tableaux sont courts et pourtant nous ne nous sentons pas montre en main.
De même que si nous sommes habitué.es quotidiennement à la surcharge d’informations et à la sursollicitation visuelle, il y a des chances que chacune des installations nous absorbe suffisamment pour ne pas ressentir à leur issue une impression d’incomplétude.
Ainsi, la forme rejoint le propos qui, certes, aborde le rêve et la nostalgie mais en appelle surtout à une introspection plus proche du présent que d’un ailleurs. Donc en peu de temps, plonger dans l’ici et maintenant.
Et c’est l’art du théâtre. Un claquement de doigts, un regard, une lumière, puis on entre, on éprouve et on vit activement ce qui se passe hors de nous et en nous. Quelque chose vient à exister grâce à un déclencheur sensible.
Des choix scénographiques conséquents
Précédemment souligné, le nombre restreint de tableaux et leur courte durée ne sont pas des torts, au contraire. Chaque endroit a sa particularité, son atmosphère, son thème. Bien entendu nous pouvons être interpelé.es de multiples manières. Mais ce qui est particulièrement attrayant, ce sont les détails et les divers stimuli qui viennent chercher notre regard et éveiller nos sens.
Annabelle Roy et Hugues Bernatchez signent à deux la scénographie. Josué Bocage a, quant à lui, composé l’environnement sonore. Leur esthétisme délicat contribuent de beaucoup à l’aspect chaleureux et doux des différents lieux créés ainsi qu’à leur richesse. De plus, la sensation de proximité n’aurait pas pu être mieux réalisée.
La rencontre aura eu lieu même avec un masque
Le Pommetier respecte élégamment sa promesse de faire écho à nos propres réflexions et incertitudes. Notamment grâce au personnage de Bérengère, son histoire et ses confidences, nous faisons face à notre expérience collective de confinement et ce, dans un état d’esprit qui projette une lumière de confiance et de bienveillance sur l’avenir.
Si le port du masque n’empêche guère l’interaction, il est toutefois conseillé d’ouvrir grand les yeux. Et le coeur. Et… oh, laissez la porte ouverte en sortant. C’est bien important.
«Le Pommetier», présenté au théâtre Périscope, en images
Par Mario Villeneuve
L'avis
de la rédaction