ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Yves Renaud
Lorsqu’Otto Frank (Paul Doucet, égal à lui-même), rescapé d’Auschwitz, rentra chez lui à Amsterdam en 1945, il espéra quelque temps voir revenir ses deux filles, Margot (Kasia Malinowska) et Anne (Mylène St-Sauveur, exaltée et globalement crédible). Mais il apprit bientôt qu’elles étaient mortes du typhus dans un autre camp. C’est alors que sa fidèle secrétaire et amie Miep Gies (Sophie Prégent) lui remit le journal intime d’Anne, retrouvé après la rafle dans le logement secret où elle les avait aidés à se cacher pendant deux ans.
Tour à tour ému, désemparé et réconforté par sa lecture, le père d’Anne y retrouvera non seulement sa fille chérie, mais également le désir de redonner au peuple juif sa dignité piétinée. La diffusion du journal permettrait au monde de voir les Juifs autrement que comme la vermine que les Allemands voyaient en eux. C’est la direction que Schmitt, d’abord, et ensuite Lorraine Pintal (à la mise en scène) ont pris. Faire du père d’Anne le pilier de la pièce est très habile, car cela permet un double point de vue: l’amour, la bienveillance et l’espoir durant la réclusion, la rage et la culpabilité après la guerre, sentiments que le spectateur n’aura pas, lui, à vivre.
Nous découvrirons avec ce père la joie de vivre d’une adolescente, son désir d’absolu découlant davantage d’un trait de caractère que de la situation dramatique où elle se trouve. Cette jeune fille aurait été tout aussi avide et bouillonnante, méprisante envers sa mère (Marie-France Lambert, juste) et amoureuse de son père dans un autre contexte. Ce n’est pas l’imminence de sa mort qui lui insuffle son urgence de vivre, ce sont ses 14 ans. En cela, et par l’humour (presque trop) fréquent, la pièce nous rappelle à quel point la mort est une abstraction, à quel point l’espoir est fort et profond chez l’humain, et que la mort qui l’attend n’a souvent rien à voir avec la vie qu’il a menée.
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de la rédaction