ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Gunther Gamper
Pour sa première mise en scène de Molière, Claude Poissant a demandé aux acteurs de ne pas chercher à rendre l’accent français normatif avec lequel sont habituellement joués les classiques français, mais plutôt de conserver leur accent québécois. Ce choix a le mérite de dépoussiérer la langue de Molière et de rendre les propos beaucoup plus intelligibles pour le public d’aujourd’hui. Toutefois, ce défi d’interprétation n’est pas aussi bien réussi pour tous les acteurs, principalement pour les plus jeunes interprètes.
Néanmoins, Jean-François Casabonne est excellent dans le rôle d’Harpagon, faisant aussi bien ressortir la tyrannie du personnage envers ses enfants, à qui il destine des mariages arrangés peu couteux, que l’aspect maladif de son amour pour son argent. Rappelons qu’il menace de se pendre s’il ne retrouve pas l’argent qu’on lui a volé au dernier acte. Si les comédies de caractère de Molière se concentrent souvent autour de figures archétypales et stéréotypées, L’Avare est sans doute la pièce où la psychologie du personnage est développée de la manière la plus complexe. Même lorsqu’il n’est pas sur scène, le Harpagon de Casabonne conserve une présence fantomatique qui hante tous les autres personnages.
Sylvie Drapeau se démarque aussi dans le rôle de Frosine, une entremetteuse convaincante et très drôle qui se fait la complice des enfants pour leur assurer du bonheur en amour. Quelques jours à peine après s’être démarquée sur les planches du Théâtre du Rideau Vert dans La cantatrice chauve, Drapeau explore un registre comique très différent de celui de Ionesco. Frosine constitue un beau personnage de femme qui gagne sa vie grâce à sa ruse et son intelligence. Elle est hilarante lorsqu’elle entre en scène affublée d’une robe moulante et de lunettes fumées qui lui donnent des allures de star de cinéma, et qu’elle convainc Harpagon du sex-appeal incontestable d’un homme mûr aux yeux de la belle Marianne.
Parmi les plus jeunes interprètes, Gabriel Szabo se distingue dans le rôle du valet La flèche. Plusieurs personnes l’avaient découvert dans Sauvageau, Sauvageau (m.e.s. Christian Lapointe) en 2015, alors qu’il incarnait un jeune Yves Sauvageau tourmenté et avant-gardiste. Le comédien est sans doute celui à qui sied le mieux le parler québécois qui semble, dans son cas, coller naturellement à la langue de Molière.
Avec L’Avare, Claude Poissant poursuit son exploration des classiques et trouve encore une fois une manière de s’approprier un texte pourtant joué des milliers de fois partout dans le monde. On retrouve dans cette nouvelle mise en scène des traits caractéristiques de son esthétique – notamment le recours à la danse et au chorégraphique, ainsi qu’une distribution mélangeant acteurs d’expérience et nouveaux venus –, mais aussi la recherche d’un nouveau point de vue sur le théâtre de répertoire.
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Par Gunther Gamper
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