«La suspension consentie de l’incrédulité» d'Émilie Perreault chez Duceppe: le bonheur d’être spectateur – Bible urbaine

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«La suspension consentie de l’incrédulité» d’Émilie Perreault chez Duceppe: le bonheur d’être spectateur

«La suspension consentie de l’incrédulité» d’Émilie Perreault chez Duceppe: le bonheur d’être spectateur

Un spectacle qui donne envie de laisser le temps s'arrêter

Publié le 19 avril 2024 par Flavie Boivin-Côté

Crédit photo : Danny Taillon

En me préparant pour aller voir «La suspension consentie de l’incrédulité», je n’avais aucune idée de ce à quoi m’attendre. Je suis arrivée heureuse d’être là, mais en même temps anxieuse et fatiguée par la fin de session, comme toute bonne étudiante universitaire l’est à la fin du mois d’avril. Qu'à cela ne tienne, dans les coulisses du Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, une petite foule de personnes s'était agglutinée pour assister, comme moi, à ce qu’Émilie Perreault appelle un «solo».

Pourquoi êtes-vous ici?

Dès le début du spectacle, la journaliste et idéatrice du solo s’est mise à parler de l’état psychologique dans lequel on arrive lors d’une représentation.

«Pourquoi êtes-vous ici? Et l’êtes-vous vraiment? Quelle partie de vous est assise dans la salle, et quelle partie de vous est ailleurs, prise dans ce qui vous tracasse? Qu’est-ce qui fait que certaines pièces sont capables de nous faire oublier complètement l’endroit où nous sommes et ce qui nous préoccupe, alors que, pour d’autres, ça ne fonctionne pas?», a-t-elle lancé avec la voix douce et radiophonique qu’on lui connaît.

À travers La suspension consentie de l’incrédulité, Émilie Perreault s’est donné une mission: celle de convaincre le public que l’art peut changer le monde et le bouleverser, une œuvre à la fois.

Émilie Perreault. Photo: Danny Taillon

Pour ce faire, elle fait un retour sur sa carrière et parle des œuvres qui ont vraiment changé sa vie et celles de gens qu’elle a eu la chance de rencontrer dans le cadre de l’écriture de ses deux livres, Faire œuvre utile (2017) et Service essentiel (2021).

Dans son spectacle, elle aborde cette capacité qu’a l’art de nous faire complètement perdre la notion du temps et de l’espace, sans que nous cherchions à retrouver nos repères. En d’autres mots, qu’est-ce qui fait que nous acceptons de laisser notre incrédulité de côté et de nous ouvrir à tout ce que la création a à nous offrir?

Au fur et à mesure qu’Émilie Perreault nous a entraînés dans son univers d’amoureuse inconditionnelle de l’art, j’ai senti toutes mes pensées s’évaporer soudainement.

Le temps s’est arrêté et mon incrédulité s’est… suspendue.

Un spectacle indéfinissable

L’une des particularités de ce spectacle, c’est qu’il est plutôt… indéfinissable. Je m’explique: il ne s’agit pas d’une pièce de théâtre ni tout à fait d’un monologue ou d’une conférence; le résultat se situe quelque part entre tout ça.

Forte de ses quinze années d’expérience à titre de journaliste culturelle, Émilie Perreault parle avec une grande éloquence et prend le temps de bien expliquer les choses au public. Chacune des œuvres qu’elle énonce est nommée et accompagnée d’une description et d’une anecdote. Et chaque concept psychologique est expliqué par la voix préenregistrée de Marc Labrèche, qui sert à rendre les informations scientifiques plus ludiques et digestes pour le commun des mortels.

C’est d’ailleurs cette même voix qui explique le sens du titre du spectacle. L’expression «suspension consentie de l’incrédulité» (tirée de l’anglais “willing suspension of disbelief”), décrit l’opération mentale effectuée par le lecteur ou le spectateur d’une œuvre de fiction qui accepte, le temps de la consultation de cette dernière, de mettre de côté son scepticisme. Ce concept a été nommé en 1817 dans un texte du poète, philosophe et critique britannique Samuel Taylor Coleridge.

Émilie Perreault. Photo: Danny Taillon

Un public conquis, mais vendu d’avance

Pour réellement comprendre ce phénomène, et apprécier ce solo, il faut bien sûr avoir une certaine familiarité avec le monde du théâtre et être un consommateur de culture.

Autrement dit, bien que la production d’Émilie Perreault est formidable en soi, le public dans la salle était conquis d’avance, car majoritairement formé d’amateurs de théâtre et de culture au sens large.  Je serais vraiment curieuse de voir si ce solo rejoindrait aussi fortement les gens qui n’ont pas tellement l’habitude d’être des spectateurs. Ça, ce serait intéressant à voir.

Sur scène, Émilie Perreault, qui a pourtant répété à plusieurs reprises qu’elle n’a jamais aimé être sous les projecteurs, était totalement à l’aise et souriante. J’ai pu découvrir une femme à la fois drôle, brillante et surtout très engagée.

Surprenante, la journaliste a d’ailleurs commencé son spectacle assise parmi le public, en expliquant que c’était le moment qu’elle préférait: celui où elle est assise sur son siège et que les lumières se tamisent pour faire place au spectacle.

La mise en scène, pour sa part, était extrêmement épurée, constituée uniquement de chaises, ce qui donnait à la production une allure des plus intimes.

L’art peut-il changer le monde?

À travers son solo, Émilie Perreault aborde de plein fouet ce qui nous touche le plus dans les œuvres d’art. En effet, elle s’intéresse à ce qui nous fait pleurer, à ce qui nous fait rire, à ce qui nous émeut. Elle tente de nous prouver, encore une fois, que ces transmissions d’émotions ont le pouvoir de changer le monde.

En tout cas, j’espère que ce spectacle se promènera au Québec et qu’il fera son chemin dans les écoles secondaires, les cégeps et les universités, car je suis sûre que ça pourrait aider à convaincre les jeunes, et moins jeunes, à s’adonner davantage à la consommation de culture québécoise.

Ce spectacle s’adresse à ceux et celles qui ont à cœur la culture et qui voient en l’art une grande utilité, et surtout une capacité à changer le monde!

«La suspension consentie de l’incrédulité» en images

Par Danny Taillon

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