ThéâtreLa petite anecdote de
Crédit photo : Stéphane Bourgeois
J’ai consulté durant plus d’un an un sexologue pour parvenir à me comprendre par le biais du corps.
C’était à l’époque où nous nous étions vus pour la première fois, où nous avions dansé ensemble, où ta présence m’avait traversée et où je tentais obstinément de faire abstraction du passage de tes phéromones sur moi. T’en rappelles-tu?
C’était lors d’un laboratoire de création, dans une ville qui n’était ni chez moi ni chez toi. Tu avais déposé, de façon naïve, tes empreintes digitales sur mon ventre. Et à partir de ce moment, j’ai été happé… viscéralement.
C’était sur la chanson «Blouson noir» d’AaRON qu’on a improvisé la première fois. Sans paroles, nous étions contraints à une succession de gestes. Des gestes qui auront eu sur moi un effet permanent.
Ç’a été le début d’une époque de doutes, certainement, mais cette incertitude fut salvatrice.
Avec toi, je me rends compte de l’impact du silence. Étant danseur, ta pratique artistique m’a happé au point de vouloir taire les mots pour laisser parler la peau. Tu t’es inscrit dans mes plus récents projets (L’éveil du printemps de David Paquet et ma création Pisser debout sans lever sa jupe) afin de pervertir le théâtre, le faire muter, annihiler la cognition pour aller là où se sont révélés nos inconscients quelques années auparavant: dans des gestes.
Ça doit être la trentaine. La crise des chiffres. Le nouveau zéro, mais j’ai peur. Je crains le jour où la lumière du dimanche matin sur ma peau ne sera plus un signe d’érotisme pour toi, mais un unique constat du temps qui passe.
Car dès que je saurai de quoi demain sera constitué, je commencerai doucement à crever. Il me semble que le seul vrai plaisir, c’est de ne pas savoir comment ça va finir. Nos vies comme nos projets, nos ébats comme nos désirs. Crois-tu en la métamorphose, toi?
Si je te disais que c’était vraiment possible de se transformer en monarque… sens-tu soudainement l’étincelle de vie qui nous ferait voler jusqu’au Mexique?
J’ai l’impression, avec toi, d’aller là où je ne me connais pas.
Tu révèles en moi, par ta disponibilité, ton engagement corporel, ton accès privilégié aux moindres pétillements, des parts de mon être que je ne croyais pas exister.
J’ai désormais envie de privilégier, dans nos impulsions artistiques, le silence à l’abondance de bruit, l’authenticité à l’originalité, l’honnêteté à la gloire, la porosité à la rigidité et le nomadisme à l’immobilisme.
Je t’aime, mon amoureux. Et aucun mot n’est plus révélateur que la vibration de mon être en ta présence.
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