«La Jeune-Fille et la mort» de Laurence Brunelle-Côté et Simon Drouin à Espace Libre – Bible urbaine

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«La Jeune-Fille et la mort» de Laurence Brunelle-Côté et Simon Drouin à Espace Libre

«La Jeune-Fille et la mort» de Laurence Brunelle-Côté et Simon Drouin à Espace Libre

Extraordinairement singulier

Publié le 1 mars 2015 par Alexandre Provencher

Crédit photo : Christine Bourgier

Ayant déjà présenté La Jeune-Fille et la mort à Montréal en 2012, le bureau de l’APA reprend cette production à Espace Libre jusqu’au 28 février. Cette pièce interactive, hautement abstraite et désordonnée, s’avère volontairement dénuée de sens. Le spectateur est donc forcé d’assister à une performance complexe, dont le concept central, celui de la Jeune-Fille, s’éparpille. On comprend que cette Jeune-Fille peut être n’importe qui et personne en même temps. Ainsi, il n’y a pas d’explication ni de symbolisme à l’expérience vécue dans La Jeune-Fille et la mort. D’ailleurs, c’est entièrement ce que désirent les concepteurs.

À son arrivée, le spectateur est invité à visiter la scène, à y faire le tour. Elle est surchargée par des objets et reliques de toutes sortes qui parsèment les quatre coins. On se croirait au musée! Un quatuor de musiciens attend le début de la représentation pour entamer sa partition. Un bureau de maître trône en hauteur au milieu de ce bric-à-brac servant de décor. Puis, comme à la petite école, chaque spectateur ouvre le manuel disposé à sa place. Ce recueil est un galimatias. Certainement, l’univers proposé pique la curiosité.

Dès l’ouverture de la pièce, on est happé très vite par son caractère unique. La curiosité du départ se transforme plutôt en incompréhension. En fait, la troupe propose un processus d’impulsion, de vérité, de création à l’état pur. Le spectateur ne peut s’en retirer. Il en est une partie prenante. Ainsi, de leur propre aveu, les concepteurs se distancient d’une création symbolique. Pour Simon Drouin, «tout est là, parce que ça devait être là […]. Nous sommes dans le langage et l’expérience en simultané». Bref, c’est une indiscipline désirée et une totale surprise pour qui n’en est pas averti.

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La pièce est développée sur la base d’un collage. Les bribes de textes sont raccrochées les unes aux autres de manière délibérée. Souvent, une phrase est reprise, déconstruite, ensuite transformée en onomatopées, puis en de simples sons. On y perd le fil. Au bout du compte, ces aphorismes renvoient (peut-être?) à une certaine critique de l’éducation, au conditionnement dont tout le monde est victime. Mais, encore une fois, il est difficile de trouver du sens puisque ce n’est pas le but de l’exercice!

Par conséquent, La Jeune-Fille et la mort ne possède pas d’histoire claire ni de récit linéaire, loin de là. C’est plutôt l’art de la performance, du réel, du direct que l’on propose au spectateur. Il faut tout simplement qu’il sache apprécier l’étrangeté du moment: un ballerin clownesque, un vieillard perdu, des bureaux d’écoliers bougeant seuls, etc. Il est d’ailleurs là le problème.

L’expérience qui est proposée est originale, certes. Cependant, on en demande trop au spectateur; bien qu’il soit constamment guidé dans ses interactions. Notamment, on l’invite à suivre dans son livre, à lancer des boules de papiers sur la scène et à danser. Puisqu’il y a trop d’informations visuelles, textuelles et sonores, le spectateur finit par décrocher de toute cette métaphysique. Surtout, un malaise perdure tout au long de la pièce. Même si certaines touches d’humour viennent détendre un peu l’atmosphère, le spectacle dégage une étrangeté étouffante.  

Néanmoins, l’interprétation est convaincante (Laurence Brunelle-Côté, Simon Drouin, Robert Faguy et Bernard Langevin). Les performeurs sont dynamiques et s’investissent énormément tout au long de leur performance. Bernard Langevin s’avère crédible dans le rôle du professeur qu’il joue sans caricature. D’aucuns ne peuvent passer sous silence la présence du professeur de ballet, qui se transforme d’ailleurs à l’issue de la pièce en une troublante jeune fille androgyne. Décidément, le malaise perdure jusqu’à la toute fin.

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Une mention spéciale doit être adressée aux conceptrices du décor (Stéphanie Béliveau et Zoé Laporte). Celui-ci est particulièrement mis de l’avant et magnifique.

Même si le répertoire musical s’avère très à-propos, le quatuor à cordes n’est pas toujours juste. Plusieurs erreurs flagrantes de rythmiques et de notes agacent. Sur le plan plus technique, il y avait de fréquents problèmes de son. Effectivement, les performeurs sont inaudibles, constamment enterrés par les effets sonores. Le choix d’une plus petite salle aurait peut-être été judicieux pour accueillir une proposition aussi intimiste.

Finalement, La Jeune-Fille et la mort est une pièce hybride et singulière qui s’adresse à un spectateur averti. Elle doit être digérée très longuement pour être appréciée. Et, comme il arrive parfois, il se peut que l’on digère mal…

La Jeune-Fille et la mort du Bureau de l’APA, d’après Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille du collectif TIQQUN, a été présentée à Espace Libre du 25 au 28 février.

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