«La Cantatrice chauve» et «La leçon» d’Ionesco, mise en scène par Frédéric Dubois, au Théâtre Denise-Pelletier – Bible urbaine

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«La Cantatrice chauve» et «La leçon» d’Ionesco, mise en scène par Frédéric Dubois, au Théâtre Denise-Pelletier

«La Cantatrice chauve» et «La leçon» d’Ionesco, mise en scène par Frédéric Dubois, au Théâtre Denise-Pelletier

Comme c’est bizarre, curieux, étrange… que notre intérêt ne soit pas davantage capté

Publié le 9 février 2015 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Frédérique Ménard-Aubin

Cela fait maintenant 18 ans que le Théâtre des Fonds de Tiroirs existe, elle qui a vu le jour en présentant La Cantatrice chauve sous la direction de nul autre que Frédéric Dubois, qui reprend cette année les rênes de la même production sur la scène du Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 28 février 2015. On pourrait croire, alors, que l’expérience rend plus fort; que la connaissance et l’analyse poussées du texte, après autant d’années, permet d’en saisir l’essentiel et de ne livrer par la suite que du bon et du pertinent. Et pourtant, sans en être complètement éloigné, le spectacle offert – sans oublier La leçon présentée en deuxième partie – ne réjouit pas autant qu’un texte absurde d’Eugène Ionesco ne pourrait le faire. Que manque-t-il pour que notre intérêt soit entièrement et tout à fait capté par ces deux pièces présentées l’une après l’autre?

La réputation du comique d’Ionesco n’est plus à faire, et s’il est un reproche qu’on ne peut pas adresser à cette production de La Cantatrice chauve et de La leçon, c’est un manque d’absurdité et de drôleries. Puisque le texte est déjà hilarant par son manque de cohérence et la banalité incroyable des propos, il était en effet pertinent et efficace de la part du metteur en scène Frédéric Dubois de miser sur des chorégraphiques et une mécanique de jeu très physique pour appuyer les propos loufoques et ainsi décupler l’absurdité.

C’est d’ailleurs Mary, la bonne (Catherine Larochelle, hilarante), qui offrira le plus beau moment physique en dansant allègrement et avec une aisance étonnante, tout en récitant un poème des plus absurdes sur le feu. «Les Polycandres brillaient dans les bois / Une pierre prit feu, le château prit feu, la forêt prit feu, les hommes prirent feu», crie-t-elle presque, tout en faisant ses pitreries qui, à coup sûr, déclenchent de grands rires. Et même si la fin de sa tirade – le moment le plus absurde – est quelque peu perdue dans les éclats de rire, la musique et les mouvements grotesques, le numéro demeure drôle malgré tout, justement en raison de ces amusantes bouffonneries utilisant le corps.

Il faut aussi mentionner la scène où les femmes des couples Martin et Smith s’obstinent avec leur mari à savoir si, lorsqu’on sonne à la porte, cela veut nécessairement dire que quelqu’un se trouve de l’autre côté de ladite porte. Sujet absurde et plutôt banal s’il en est un, la façon dont Dubois a imaginé madame Smith allant répondre encore et encore à la porte est tout à fait exquise et originale. Se détachant du peloton formé de M. Martin, Mme Martin et M. Smith, Mme Smith fonce droit vers les spectateurs en faisant de tout petits pas bien marqués et bruyants, alors que ses comparses font la même chose au même moment, mais plutôt vers l’arrière de la scène, donnant l’impression de franchir une grande distance tout en bougeant très peu. Il faut surtout voir le regard et la posture d’Ansie St-Martin lors de cette démarche, qui rendent le tout hilarant et plus qu’efficace.

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Il y a donc bien du bon dans cette Cantatrice chauve: la scène, découpée en quatre avec un couloir au milieu pour organiser davantage le chaos, chaque personnage ou chaque couple ayant son espace imparti; le jeu très incarné de tous les comédiens, avec aplomb; les jeux sur le langage, prononçant à outrance le «th» d’Elisabeth ou répétant le mot «docteur» comme à l’anglaise, pour le faire rimer avec le «Parker» de «Docteur Parker»… mais d’autres détails nous font nous dire qu’on a essayé d’en mettre un peu trop.

C’est la banalité du texte d’Ionesco, si dépourvu d’histoire cohérente comme telle qu’elle est presque impossible à résumer – Les Smith accueillent les Martin pour un souper qui n’aura jamais lieu, ces derniers n’étant de prime abord pas certains qu’ils se connaissent et qu’ils forment bel et bien un couple (une scène qui aurait pu être rendue de façon plus comique), avant que le capitaine des pompiers ne vienne égayer leur banale soirée de banals échanges avec des histoires tout aussi banales… –, qui fait souvent tout le travail. Il est donc tout à fait inutile, lors d’une tirade comme celle concernant la famille de Bobby Watson (le fils de Bobby Watson, lui-même fils de Bobby Watson, qui a aussi un frère nommé Bobby Watson, etc.), de souligner à grands traits la répétition du nom à coups d’accords de clavier.

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