ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Annie Éthier
La pétillante jeune femme – qui avait bien voulu répondre à nos questions à cette occasion – a écrit le texte d’Hamster en 2013, au début de sa vingtaine, ses souvenirs d’adolescence encore vifs, et son imagination visiblement débordante. Sa logorrhée caractéristique est ici bien présente, tant dans les répliques entre les personnages que dans leurs monologues occasionnels. Et, oui, avant que vous ne le demandiez, Dansereau s’exprime souvent comme ça dans sa vie de tous les jours.
Le récit choral s’intéresse cette fois-ci à trois groupuscules distincts qui n’ont, à l’origine, rien en commun; une jeune femme qui attend l’autobus (Zoé Tremblay) en se faisant importuner par un vieil homme étrangement attachant qui passe la balayeuse sur sa pelouse (Igor Ovadis); deux employés d’un Pétro-Canada qui passent la nuit avec leur patronne qui craint la visite nocturne d’un client-mystère; et «la fille qui a une jupe trop courte selon le règlement», qui marche dans la nuit de Boisbriand en racontant sa peine d’amour à son hamster.
L’alliance entre ce texte et la mise en scène de Jean-Simon Traversy a tout du mariage réussi: les vignettes se succèdent à un rythme tel qu’on évite les longueurs, changeant de perspective et transcendant l’aspect statique des quelques lieux où se déroule la pièce. La fluidité du récit est telle que lorsque la révélation finale a lieu, on sursaute autant devant l’ampleur de la violence qui nous saisit que parce que c’est déjà fini.
Et cette finale, dont nous tairons les subtilités pour des raisons évidente, est une rare prouesse; après avoir baigné dans des répliques hilarantes et des situations absurdes pendant un bon moment, et senti que des éléments malsains faisaient progressivement leur apparition dans la trame narrative, c’est quelque chose comme un grand frisson d’horreur qui nous frappe sans crier gare. Le changement de ton est tel qu’on reste comme saisi, même lorsque la fiction quitte le visage des comédiens, qui ne sont conséquemment pas applaudis à leur juste valeur par le public encore sous le choc.
Plusieurs métaphores font en sorte que le texte de l’auteure propose plusieurs niveaux de lecture; la plus évidente, celle des jeunes de Boisbriand qui errent sans but dans les rues comme un hamster qui court dans sa roulette, est illustrée par des observations tragi-comiques sur les rares perspectives récréatives qu’offre la banlieue; frencher dans la glissade jaune du parc, prendre une marche jusqu’au dépanneur pour acheter un popsicle – des activités qui aident à passer le temps en attendant d’être assez vieux pour aller, sans hésitation, vivre ailleurs.
La présence sur scène de Lydia Képinski, qui s’occupe de l’ambiance musicale et qui devient presque elle-même un personnage, un peu comme une observatrice omnisciente, ajoute beaucoup à l’expérience.
Sous ses accords tranquilles, les volutes de la violence latente des banlieues flottent, survolent le public, et finissent par le pénétrer entièrement. Une expérience dont on ne sort pas indemne.
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Par Annie Éthier
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