«Gros Gars, Prise de parole poétique et analogique» à La Licorne – Bible urbaine

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«Gros Gars, Prise de parole poétique et analogique» à La Licorne

«Gros Gars, Prise de parole poétique et analogique» à La Licorne

La poésie pour célébrer «le corps gras»

Publié le 19 avril 2021 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : David Ospina

Utiliser des souvenirs de jeunesse pour dresser un bilan de sa progression n’est pas une idée nouvelle, mais le concept, lorsque bien exploité, peut offrir d’heureux résultats. Le plus récent spectacle (solo) de Mathieu Gosselin, qu’on connaît notamment pour ses pièces Ils étaient quatre et Province – et aussi pour son étourdissante interprétation d’une vingtaine de personnages dans J’aime Hydro – est inusité et inventif, et opère selon ce principe.

Gosselin est «né double crème» et est rapidement devenu un jeune homme curieux et sensible, écrivant de la poésie dès son secondaire. Son surpoids a marqué sa vie, au point d’en faire un show, lequel semble documenter une cassure entre «l’avant» et «l’après», sans qu’il s’avance précisément sur les causes et la temporalité de cette cassure.

«L’avant», c’est la nourriture décadente et le farniente, les boissons sucrées et la pornographie, la paresse et la pizza. «L’après», on le connaît mieux: le dramaturge primé, le père de famille, l’acteur consacré.

Gros gars part un peu dans toutes les directions, le fil conducteur étant la poésie qui célèbre le corps gras. Gosselin slame par-dessus des pistes électro en manipulant ses machines installées sur scène; il nous lit de vieux poèmes accompagnés d’une ambiance musicale choisie aléatoirement dans un vieux cartable de disques compacts; il nous fait écouter des chansons qu’il aime, fait participer le public à un jeu éducatif…

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Le dramaturge et acteur est plein de contrastes, le plus marquant de ses paradoxes est sa dualité de procrastinateur plutôt prolifique. Écrire n’est pas un travail physique, mais n’en est pas moins douloureux. Et le doute habite et ronge l’artiste – depuis longtemps. Un enregistrement fait à ses vingt ans, qu’on peut entendre pendant le spectacle, est sans équivoque; Mathieu a du mal à avoir du plaisir en gang, il ne se sent «pas sur le même trip» que ses contemporains.

Ce passé analogue parle lourdement pour nous dresser un portrait de Gosselin en jeune homme, presque aussi précisément que ses mots. Son érudition littéraire et musicale bardasse le spectateur d’un sujet à l’autre, passant d’une collection de t-shirts thématiques à un récital de poésie, d’une chanson à un souvenir émouvant. Le tout avec désinvolture, donnant à son show de faux airs aléatoires et brouillons qui ne sont que poudre aux yeux, ou sucre en poudre.

Il y a sous cette couche de bonhomie une réelle souffrance, un prodigieux matériel dramaturgique qui devient un exutoire feel good pour les spectateurs, et c’est ainsi que la magie du théâtre opère, en transformant la thérapie intime en confessions attendrissantes.

Vous pouvez assister aux représentations de Gros Gars jusqu’au 14 mai, sur place, à la Petite Licorne. Le spectacle sera aussi offert en webdiffusion à compter du 24 avril.

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