ThéâtreCritiques de théâtre
«Grande écoute» de Larry Tremblay, mise en scène de Claude Poissant, à ESPACE GO
Auteur en quête de personnage, personnage en quête d’histoire
Crédit photo : Gunter Gamper
Larry Tremblay a dit dans une entrevue qu’il avait d’abord eu l’idée du personnage et qu’il s’était ensuite mis à «enquêter» pour connaître son histoire. Cela se sent, d’abord parce que tout tourne vraiment autour de lui; ensuite, parce que ses entrevues comme ses interactions avec sa femme (Macha Limonchik), son fils et le barman servent surtout de révélateurs de ce qui existe déjà plutôt que de ressors dramatiques. En fait, Tremblay a beaucoup à dire, mais peu à raconter. Nous observons donc Roy d’une certaine distance, sans éprouver ni haine ni sympathie à son égard, même si ses techniques d’entrevue sont détestables et grossières. C’est la langue de Tremblay, une langue très construite qui ne cherche pas nécessairement à s’ancrer dans le réalisme.
Cette langue, jumelée à la direction de Poissant qui ne recule pas devant les paradoxes, rend l’apprivoisement difficile dans la première scène, où un jeune champion de boxe (Alexandre Bergeron aussi) accuse son phrasé avec une intonation fabriquée semblant mettre le comédien aussi mal à l’aise que l’assistance. Au fil des invités, une fille de ministre (Sylvie de Morais) rendue célèbre par un minuscule livre sur la mort de sa mère, une chanteuse pop (Victoria Diamond) et un quidam devenu multimillionnaire grâce à la loterie (Sébastien Dodge), cette impression de manque de justesse dans le jeu créera une sorte de cohérence interne. D’où le paradoxe: dans un talk-show qui mise tout sur la vérité, tout le monde sonne faux (animateur inclus).
Grande écoute est un objet analytique qui braque les projecteurs sur un individu incarnant un phénomène. Si le phénomène lui-même est digne d’intérêt, son histoire l’est moins. Peut-être est-ce dû à la scène finale ambiguë, dont on ne sait trop où elle se situe, dans la réalité ou dans la tête d’un Roy agonisant. Ce qui ne fait pas de doute, c’est qu’on aurait adhéré davantage à la proposition si elle avait été portée par une trame où les conflits se seraient joués devant nous, un casse-tête dont nous aurions été impatients de comprendre l’imbrication. Peut-être aurait-il dû choisir un autre médium que le théâtre.
Grande écoute, de Larry Tremblay, mise en scène de Claude Poissant, est une production du Théâtre Petit à Petit et est présentée à ESPACE GO jusqu’au 21 mars 2015.
L’intello qui aimait Pirandello
Rédactrice publicitaire, traductrice et linguiste, Isabelle s’intéresse aux arts et à la communication depuis toujours.
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