ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Julie Perreault
«Caligula ressemble à n’importe quel tyran qui a gouverné. À un moment donné pendant les répétitions, quand est arrivée la tuerie à la mosquée de Québec, je me suis demandé pourquoi on faisait ça. Ça me confronte tellement que tout ça existe en ce moment, qu’on est dans une ère de violence et de gens radicaux qui vont jusqu’au bout de leurs idées, et là je suis en train d’en faire un!», lance Benoît McGinnis à propos de son personnage qui, lui aussi, est allé au bout de ses idées en tuant presque tout le monde autour de lui, le tout dans une lucidité déconcertante, mais qui est encore plus terrifiante.
«Il ne fait pas ça pour avoir le pouvoir; au contraire, il n’en veut même pas du pouvoir! C’est moins Trump qu’on pense à ce niveau-là: Caligula n’est pas quelqu’un qui s’est consciemment dit ‘’Je veux devenir empereur’’. C’est plus sournois, il teste des affaires et il veut faire en sorte que le monde se réveille. Lui a vécu une crise épouvantable qui l’a fait relativiser, et il veut voir ce que ça va prendre aux autres pour se réveiller aussi!» Loin d’excuser les actions de son personnage, le comédien avoue toutefois se reconnaître dans certaines idées et messages transmis par la pièce de Camus qu’il s’apprête à présenter.
C’est majoritairement à cause du traitement très terre-à-terre que le metteur en scène René Richard Cyr et lui ont donné à leur Caligula que McGinnis réussit à passer outre la folie de son personnage. «Il y a une évolution dans le spectacle; on y va quand même dans la démesure et l’excès du pouvoir, mais on le fait de façon plus sourde, on le construit. Je trouve ça intelligent, cette courbe-là», avoue celui qui en faisait une lecture tout autre, au départ. C’est au Cégep Saint-Laurent, en option théâtre, que le jeune acteur a été initié à l’œuvre de Camus, mais «ça ne m’avait pas marqué outre le fait que j’avais reconnu là une écriture, un auteur, mais je ne rêvais pas à tout prix de jouer ça».
C’est bien des années plus tard, en jouant dans Hamlet aux côtés de Marc Béland que ce dernier l’aurait incité à le relire, car il le verrait bien dans le rôle-titre. «J’ai eu peur quand je l’ai lu; j’ai fermé le livre, je me suis dit que ce n’était pas pour moi, pas maintenant. Je trouvais ça intense et sombre, une aspiration à la liberté, à une affaire absolue. Ça prend beaucoup d’espace pour s’attaquer à ça!» Puis, quand vînt un trou dans son horaire où il avait davantage de temps et d’énergie pour s’y plonger, il a pris conscience de la richesse du récit et l’a proposé à René Richard Cyr.