ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Yanick Déry
«J’ai le souvenir d’une lecture assez dure, notamment à cause de son aspect académique», nous avoue d’entrée de jeu le metteur en scène, qui l’a lue au moins cinq fois depuis son tout premier contact avec ce monument littéraire. Et il n’a pas tort, car l’œuvre de Melville n’est pas un roman d’aventures pétri de péripéties à la mode des page turner d’aujourd’hui; au contraire, la prose complexe et la trame narrative sont, par moments, diluées par force descriptions et études sur les cétacés, qui alourdissent du même coup la lecture pour les non initiés.
Mais Dominic Champagne y voit là un défi colossal que le romancier new-yorkais s’était imposé à l’époque. «En 1851, Melville voit, de façon prophétique et probablement sans le savoir, la tragédie à venir qu’est la quête de l’huile. Dans l’exploitation de la nature, des ressources du monde, et a priori de l’huile, on est en train d’alimenter la principale tragédie de notre condition», poursuit Champagne, visiblement sensible, en tant qu’être humain, aux catastrophes écologiques qui perturbent la santé instable de notre Terre, notre mère Nature.
En ce sens, Moby Dick était l’une des histoires bouillantes d’actualités, même après plus de 160 ans, qui collaient le mieux à la personnalité fougueuse et impétueuse de Dominic Champagne, qui n’a jamais fait dans la dentelle, si on se fie à ses spectacles à dimension épique tels que Don Quichotte, L’Odyssée et Le paradis perdu. «Avec Moby Dick, j’ai la liberté de dire toute ma rage, ma tristesse, ma douleur, ma passion, ma soif d’aventure, mon humanité, aussi. La nature n’est pas seulement douce et parfaite. Quand elle décide de se déchaîner, on est bien peu de choses, en vérité…», nous confie Champagne, philosophe.