ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Julie Perreault (Isabelle Brouillette) et Michel-Olivier Girard (Steve Laplante)
Comédie sournoise, coup de cœur instantané
«La force de ce spectacle-là, c’est le fait que Catherine Léger a réussi, par le rire, à faire passer plein de messages; c’est une pièce qui tire dans tous les sens. Un pur bonheur, facile et savoureux, un spectacle avec un réel impact», nous confie Steve Laplante, qui ne tarit pas d’éloges pour l’auteure de Voiture américaine, qu’il compare même à François Archambault. De son côté, le plus grand bonheur d’Isabelle Brouillette, c’est le fait que Baby-sitter a comblé à la fois «hommes, femmes, jeunes comme personnes du troisième âge; c’était unanime. Même les gens plus pointus, plus intellectuels» l’ont adorée, pour la dose de divertissement, certes, mais aussi pour les idées qui brassent la cage, et pour les thèmes abordés où chacun de nous vit des préoccupations et observations à leur égard.
Les deux acteurs avouent être tombés sous le charme du texte de Catherine Léger quasi instantanément. Celle qui interprète Nadine, la blonde de Cédric duquel la tension dramatique émane dès le coup de canon lancé, avoue avoir eu un coup de cœur pour l’intelligence des personnages: «J’aime la répartie de Catherine et celle qu’elle donne à ses quatre personnages. Ils sont tous, sans exception, traités avec beaucoup d’amour. Ils ont tous leurs bêtises, ce qui fait qu’ils sont drôles, et tous chacun leurs points de vue.» Steve Laplante, quant à lui, a reçu la flèche de Cupidon à la lecture des dialogues. «Elle a une façon de faire parler ses personnages qui est directe et surprenante. C’est une fille qui punche.»
Blague de viol devenue virale
À l’unanimité, les deux acteurs s’entendent pour dire que la force de Baby-sitter, c’est qu’elle est nuancée; «il n’y a pas de réponse claire, mais elle nous joue dans la tête», complète Steve Laplante, qui nous a récité l’ABC des couleurs en tentant de nous décrire au mieux l’intention derrière l’écriture. Car il faut savoir que les contours de Baby-sitter se sont esquissés après que Catherine Léger ait été témoin d’une réaction en chaîne suite à une blague de viol devenue virale sur internet. Peu de temps après, l’auteure est tombée sur l’article d’un journaliste qui condamnait l’évènement, tout en rappelant, en gros, que les blagues de viol sont graves parce que toutes les femmes vivraient d’emblée avec la peur d’être agressées. Bref, les femmes ont peur. «Vulnérabilisée ou agressée, dans les deux cas c’est de la misogynie», poursuit Isabelle Brouillette, qui voit cet incident et les réactions qui en ont découlé comme un mouvement que l’on pourrait surnommer de «nouveau féminisme».
Celui qui joue le rôle de l’homme indigné et celle qui joue la blonde qui réagit de façon très inattendue à la bourde son copain ont certes hâte de fouler à nouveau les planches du théâtre pour rejouer cette pièce comique qui avait été fort bien accueillie plus tôt cette année. Le texte, bien servi par la mise en scène épurée de Philippe Lambert et le décor minimaliste mais efficace d’Elen Ewing, promet de courtes répliques, rapides et lapidaires, et des dialogues effrénés qui vous laisseront au bout de votre siège. S’il y a bien une chose de certaine, c’est que Baby-sitter vous fera rire et surtout réfléchir sur des sujets d’actualité qui vous touchent de près, que vous le vouliez ou non.
Une parenthèse signée François Papineau
Alors que nous discutions sagement avec Isabelle Brouillette, qui était en voiture pour des vacances reposantes dans les Cantons-de-l’Est, son invité François Papineau, bien assis à l’arrière, s’est permis une légère intrusion dans la conversation, à la mi-parcours, pour laisser entendre son point de vue: «J’ai 50 ans, j’ai été déboussolé et j’ai adoré. Ce spectacle a changé ma vie», a-t-il dit en riant, mais nous on l’a pris au mot et on espère bien que vous serez dans d’aussi bonnes dispositions vous aussi suite à ce spectacle. Bon théâtre!