ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Caroline Moreau
Le comédien et critique Gilbert Turp, qui a eu la chance d’assister à des spectacles de Brook, conserve un souvenir inoubliable des pièces qu’il a vues il y a 30 ans, 20 ans, 10 ans. Selon lui, Peter Brook est sans doute l’un des dix plus grands metteurs en scène vivants et – faut-il le dire – son âge vénérable fait que les occasions de voir son travail se font rares et d’autant plus précieuses. Il ajoute que les mises en scène de Brook ne sont pas tapageuses et ne comprennent pas de grosses machines à effets. Elles sont centrées sur l’humain: «Le spectateur ne se rend pas compte tout de suite qu’il est devant un objet d’art exceptionnel. Il se fait raconter une histoire qui semble toute simple, et soudain la magie arrive. Des mots, des images s’incrustent dans l’esprit et dans la mémoire avec une force inexplicable.»
Émilie Martz-Kuhn, professeure associée à l’École supérieure de l’UQAM, rappelle que la proposition de Peter Brook tient de la réactivation d’une de ses aventures mythiques: son Mahabharata d’une durée de 9 heures, présenté dans le cadre du festival d’Avignon en 1985. Ayant eu l’occasion de fréquenter le spectacle, notamment par le biais de son adaptation cinématographique, elle considère que cette pièce est un point de repère pour qui s’intéresse au théâtre et à son histoire. Elle ajoute que par sa dimension sacrée, le théâtre de Peter Brook renoue avec les aventures les plus profondes et les plus originales du XXe siècle, en plus d’être influencé par des théoriciens importants comme Grotowski, Artaud ou Barba.
Professeur à l’Université d’Ottawa, Francis Ducharme insiste aussi sur le fait que l’écriture scénique de Peter Brook est nourrie par une pensée théorique qui fait date et qui inspire le travail de ses pairs mondialement. Selon lui, sa mise en scène, puis adaptation au cinéma du Marat-Sade, par exemple, fournit un excellent exemple de spectacle qui enrichit un texte dramatique en respectant et en complexifiant la polémique conçue par Weiss autour de figures légendaires et controversées (Jean-Paul Marat et le Marquis de Sade).
Il y a une dizaine d’années, lors du dernier passage de Peter Brook à Montréal, le critique du Devoir Alexandre Cadieux avait assisté à Sizwe Banzi est mort, à l’Usine C. Il rappelle que Peter Brook est quelqu’un qui a toujours eu à cœur de travailler avec des artistes et sur des formes issues d’autres cultures. Le Japon beaucoup, l’Inde dans le cas du Mahabharata, ou encore les différents pays africains: «Dans Battlefield, deux comédiens d’origine rwandaise et un Irlandais jouent des personnages qui sont supposés être des Indiens d’il y a 3000 ans.»
En effet, alors que l’on parle beaucoup au Québec de la non-représentativité des communautés et des minorités culturelles sur la scène, cela fait quarante ans que Peter Brook et Marie-Hélène Estienne parcourent le monde à la recherche d’acteurs de toutes origines.
Pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres encore, Battlefield est un incontournable et une chance rare d’assister à un spectacle de grands maîtres de la scène théâtrale internationale. Procurez-vous vos billets au www.placedesarts.com/battlefield.
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Par Caroline Moreau