ThéâtreEntrevues
Crédit photo : François Laplante Delagrave
Une vive tension dramatique
Dans ce dernier volet du triptyque sur les rapports familiaux, c’est la relation père-fils dans une période déterminante de (dé)construction de soi qui est scrutée par Florian Zeller.
«C’est l’histoire d’une relation d’aide avec le père qui essaye de sauver son fils, mais qui ne comprend pas trop l’anxiété moderne, ni ce que c’est de vivre une dépression à l’adolescence», explique Émile Ouellette. «Il a probablement vécu ça, lui aussi, mais il a enterré cette expérience. C’est un peu un clash générationnel entre le père et son fils; on creuse la question de comment on aide les adolescents qui sont en difficulté émotionnelle ou psychologique.»
Comme le souligne Vincent-Guillaume Otis, «contrairement à beaucoup de gens qui passent à travers cette période difficile, le mal de Nicolas est beaucoup plus profond et on va se demander s’il va réussir à s’en sortir malgré l’aide très sincère de tout le monde autour de lui.»
Selon lui, c’est l’absence de parti pris du dramaturge qui s’apprécie particulièrement ici. «Ce n’est pas tout noir ou tout blanc, en fait. Florian Zeller ne porte pas de jugement, il ne dit pas que c’est la faute de l’un ou de l’autre.»
«Le Fils, c’est comment on recompose une famille divorcée. Ça aborde la culpabilité, le défi d’être un parent et d’être un adolescent. C’est une pièce sur les rapports d’amour filial.» – Vincent-Guillaume Otis (dans le rôle du père)
Modernité et réalisme à la sauce québécoise
Si l’écriture se veut moderne et très réaliste en surface, Vincent-Guillaume Otis note qu’«en dessous, tout ce qui nourrit l’histoire et qui constitue le magma de la pièce est tragique.» Selon lui, «c’est la superposition de ces deux couches-là qui fait que la pièce est très intéressante.»
Car au fil de l’histoire, même si toutes les choses ne sont pas verbalisées, elles se vivent quand même. Émile Ouellette souligne le travail d’adaptation de René Richard Cyr afin de se superposer à la réalité québécoise: grâce aux ajustements faits au niveau des répliques, les spectateurs s’identifient et se reconnaissent d’autant plus.
«On essaye de jouer encore plus dans le sous-texte, dans les non-dits», explique le jeune comédien, ce qu’approuve son acolyte de jeu: «On est ramenés à une réalité plus sourde. La pièce s’appelle Le fils, mais ça touche à tous les proches qui gravitent autour d’un adolescent qui a une vie difficile et qui ont à communiquer avec lui.»
Et, au-delà de l’adaptation, le travail de mise en scène de René Richard Cyr est également salué par les comédiens.
«Son accompagnement donne une richesse unique à l’interprétation; c’est d’une grande intelligence émotive […] C’est un metteur en scène qui est au service du texte et de l’interprétation», assure Vincent-Guillaume. «Il s’adresse à l’intelligence du public, il a à cœur de faire du théâtre populaire dans le sens noble du terme […] pour que tout le monde soit touché, autant ceux qui ont un rapport plus rationnel et intellectuel à la pièce, qu’à ceux qui ont un rapport plus émotif. C’est un rassembleur!» complète Émile.
L’approche du jeu en tant qu’acteur
«C’est ça qui est intéressant en tant qu’acteur: trouver comment dresser un portrait très personnel, mais aussi très général de son personnage. Je ne vais pas jouer Nicolas comme l’archétype de l’adolescent, je vais aussi chercher dans mon passé, dans mes référents d’adolescent, dans mes chicanes avec mes parents.» – Émile Ouellette (dans le rôle du fils)
Jouer le père et le fils dans cette pièce n’a pas été sans défis pour Vincent-Guillaume Otis et Émile Ouellette: en effet, pour chacun d’entre eux il a fallu essayer de garder un détachement vis-à-vis de leurs ressentis personnels envers leur personnage, se nourrir de leurs propres expériences «dans la vraie vie» tout en n’oubliant pas que leur personnage n’est pas eux et qu’on peut être en désaccord avec leur façon de penser ou d’agir.
«Je ne suis pas Pierre – le père –, et je ne voulais pas régler les enjeux de mon personnage en étant Vincent-Guillaume dans la façon d’élever les enfants. Il y a des fois où je trouve que Pierre agit très mal dans cette histoire, mais je ne peux pas changer le cours des choses. J’accepte que ce soit lui.»
Émile avoue quant à lui qu’il doit toujours essuyer le contrecoup de l’implication physique de son jeu d’acteur après avoir joué la pièce. «C’est ma première grosse partition et c’est quelque chose de tenir cette charge dramatique tout au long du spectacle. C’est sûr et certain, je ressors de ce spectacle en sueur et j’ai sûrement plus dépensé que lors d’un match de hockey!», s’amuse-t-il de la situation. «Mon corps revient fatigué parce qu’il le vit, le drame de Nicolas. Du moins, j’essaye au mieux de mes capacités sensitives de vivre un peu le drame de Nicolas, mais ça fait en sorte que mon corps est tendu. Il a fallu trouver l’équilibre entre se protéger soi-même avec son personnage, tout en s’investissant le plus possible», ajoute-t-il.
À ces mots, Vincent-Guillaume Otis conclut: «C’est une charge émotive qu’il faut porter, mais il y a aussi quelque chose de très libérateur. C’est merveilleux d’être un acteur pour ça: on peut aller dans des zones où on ne peut – ou ne veut – pas aller dans la vraie vie. Quand je finis la pièce, je suis vidé, mais je ressens aussi une forme de sérénité.»
Pour vibrer au rythme des émotions de ces personnages, tout en nourrissant vos réflexions sur les questions de la parentalité et du mal-être adolescent, ne manquez pas Le Fils au Théâtre du Rideau Vert, dès le 27 septembre. Pour obtenir plus d’information ou pour acheter vos billets, rendez-vous ici.
Les répétitions pour «Le Fils» en images
Par François Laplante Delagrave