«Couper» de Duncan J. Graham au Théâtre Prospero – Bible urbaine

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«Couper» de Duncan J. Graham au Théâtre Prospero

«Couper» de Duncan J. Graham au Théâtre Prospero

Turbulences

Publié le 22 mars 2023 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Fanny Migneault-Lecavalier

Pendant un vol de routine, une hôtesse de l’air remarque un passager qui la fixe avec insistance. Il provoque chez elle un malaise immédiat, qui s’intensifie lorsqu’elle se sent suivie en quittant l’aéroport, après être arrivée à destination. Qui est cet homme? Que veut-il? Poussera-t-il l’audace jusqu’à la suivre jusque chez elle?

Le texte de l’Australien Duncan J. Graham, traduit et adapté par Véronique Pascal, ne fait pas dans la dentelle; l’action y est viscérale, la brutalité très explicite, et la notion de suspense y est extrêmement bien travaillée.

La plupart des femmes, et sans doute plusieurs hommes, ont malheureusement déjà vécu pareilles aventures et peuvent sans effort s’identifier au mélange d’inconfort et de terreur qui font suinter dans nos veines une adrénaline glaciale quand nous subissons une filature indésirable.

C’est dans cette émotion vive, un retour primal à nos réflexes de survie les plus naturels, que la pièce nous plonge.

Avantage immersif considérable: on ne manque rien des nuances de l’interprétation. Véronique Pascal n’a aucun mal à tenir sur ses épaules le poids de l’action, et son jeu à fleur de peau, à la fois sensible et sauvage, est particulièrement appréciable grâce à la proximité qu’ont avec elle les spectateurs de la petite salle intime du Prospero, transformée pour l’occasion en avion.

N’oubliez pas de vous souvenir où sont les sorties de secours.

Photo: Fanny Migneault-Lecavalier

Voyage voyage

Marc-André Thibault, qui revient dans le sous-sol du théâtre après y avoir monté son propre texte Mazal Tov, en 2017, s’est allié avec le scénographe Thierry Vigneault pour jouer avec l’espace comme s’ils disposaient d’un couteau suisse particulièrement versatile, enchaînant les effets déroutants avec une inventivité admirable.

Maximiser l’espace utilitaire est certes le propre des avions, mais c’est aussi une discipline qui a été étudiée soigneusement par Le Corbusier, et c’est un peu à lui qu’on pense lorsque surviennent devant nous des transformations physiques surprenantes.

Il y a du Lynch, mais aussi un peu de Hitchcock dans le traitement visuel et l’atmosphère étouffante créés par l’habile mise en scène de Thibault. Et une démonstration assez convaincante que «less is more», en ce qui concerne les artifices.

On ne peut pas dire que la situation exploitée dans cette pièce est inédite, mais l’efficacité sans compromis avec laquelle le texte est traité – et sa courte durée – feront de votre visite aérienne un moment intense, efficace et, surtout, confrontant, comme si vous plongiez vous-mêmes dans les profondeurs de la panique.

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