ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Isabelle Howard
Si le décor peut sembler banal – des façades d’immeubles à logements, un poteau d’arrêt de bus ainsi qu’un banc –, c’est son utilisation judicieuse qui en sera faite durant les un peu plus de deux heures de performance qui a de quoi impressionner. La distribution est nombreuse et se présente devant nous avec des personnages tous plus typés les uns que les autres, mais souvent pour notre plus grand bonheur. Du facteur aux jeunes écolières de collège privé, en passant par le boucher, les personnes âgées, l’escorte ou la sans-abri, les personnages qui vont et viennent, qui se rencontrent, se côtoient et se repoussent dans d’aussi nombreux tableaux donnent autant de rythme que de couleurs au spectacle.
Bien sûr, le concept est assez convenu, mais le spectateur ne peut s’empêcher de prendre un malin plaisir à jouer les voyeurs devant toutes ces situations les plus grotesques ou rocambolesques. Parmi les plus satisfaisantes, notons cette scène de jeunes manifestantes qui ne savent pas trop pour quoi elles vont dans la rue, mais qui, lorsqu’elles doivent expliquer à une nouvelle venue leurs positions, n’ont qu’à retenir qu’elles sont «contres», et que la contre-manif, elle, est pour! Ou plutôt contre le fait qu’eux soient contres!
Ce sont dans ces scènes à l’humour plus fin et bien dosé que les comédiens ont réussi à capter davantage leur public. Parce qu’au-delà du comique des situations, on a bien retrouvé ici et là quelques dénonciations ou prises de positions sur plusieurs sujets: pauvreté, voyeurisme, égoïsme, manque d’entraide, terrorisme et adultère sont autant de sujets traités dans ce texte qui, même s’il tourne presque tout au ridicule, ne passe pas à côté de sujets parfois délicats.
Il y a, de plus, un niveau de difficulté élevé avec ce type de comédie, car les acteurs doivent trouver un niveau de jeu juste sans tomber dans la parodie ridicule. Et si tous les comédiens n’arrivent pas à rester en équilibre sur la fine ligne, certains frappent ici et là en plein dans le mille et se révèlent d’une grande efficacité comique. Il faut, à ce compte, souligner le travail juste et constant de François Girard, les transformations impressionnantes de Kathleen Gallagher, et aussi l’aplomb de Nicolas Chiasson, qui se sont démarqués positivement du lot de comédiens.
Malheureusement, même s’il a été quelque peu adapté pour le Québec (dont quelques noms de lieux modifiés) dans ses expressions et son vocabulaire, le texte est probablement demeuré trop Français, puisque quelques comédiens ont adopté un parler pointu, tandis que d’autres se sont plutôt permis un jeu plus relâché. Le texte aurait donc gagné à être retravaillé davantage ou, à tout le moins, on aurait mieux fait d’uniformiser le niveau de jeu de tous.
Quoiqu’il en soit, et même si les finales de certains sketches tombaient malheureusement à plat, Brèves de trottoirs se révèle être un bon divertissement malgré tout, surtout grâce au talent de sa distribution, aux différents costumes, mimiques, postures et accents adoptés, et à la variété des situations présentées.
Le rythme est bon, et on ne voit pas le temps passer en compagnie de personnages aussi colorés, qui, au demeurant, nous font aussi réfléchir; si ce n’est pas, par exemple, sur la façon dont on traite les itinérants, tel que souhaité, ce sera au moins sur le fait qu’on ne prenne plus la peine de connaître les gens qui nous entourent et qu’on croise à tous les jours.
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Par Isabelle Howard
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