ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Irina Litvinenko
Nous sommes assis.es dans la salle, les lumières s’éteignent et nous entendons la voix de Marie Gignac, directrice du Carrefour international de théâtre, qui nous souhaite la bienvenue et nous donne les consignes d’usage.
Le spectacle commence et Rick Miller arrive sur scène. Il nous accueille, âgé de 51 ans, lui-même de la génération X, et de sa propre voix redonne les consignes. Ses consignes. Nous éteignons nos téléphones et partons avec lui dans son périple de 1 h 50 sans entracte.
Donner corps à l’imaginaire populaire
Pour ceux qui ne connaissent pas l’artiste ou qui ne savent pas à quoi s’attendre, il ne faut pas se fier à la sobre apparence de la scène. Billet en main, il ne reste qu’à se laisser surprendre, captiver et impressionner.
L’ensemble de l’oeuvre est un véritable collage visuel et vocal. L’artiste est seul sur scène, en formule one-man-show, mais sait remplir l’espace avec densité et énergie. Il enchaîne son texte d’un seul souffle, en rebondissant d’un personnage à l’autre, jouant également avec de multiples images et vidéos projetées qu’il double avec agilité.
Précisons ici que Miller a également élaboré la mise en scène de son solo.
Quatre témoins
Pour mener son humble étude sociologique et pouvoir au mieux définir ce qui caractérise la génération X, Miller s’est basé non seulement sur sa propre vie, mais également sur les parcours de trois ami.es et de sa demi-soeur allemande. Ainsi, nous voguons dans un esprit essentiellement occidental, empreint de cultures américaines, canadiennes, québécoises et allemandes.
Doté de trois identités linguistiques (sinon plus), l’artiste jongle soigneusement avec le français, l’anglais et l’allemand. Les surtitres pour l’anglais sont irréprochables, toutefois il est dommage de ne pas avoir traduit les passages en allemand.
Grandir avec la télévision
L’apport factuel de ce spectacle est surprenant. Si l’on s’accorde aux propos de l’artiste, la génération X pourrait se résumer au gavage d’émissions de télévision, d’information et d’évènements politiques, de clips vidéo et surtout de publicité. Cela dit, on réalise à quel point ces enfants et ces adolescent.es ont été témoins d’avancées majeures et de grands changements sur les plans social et technologique.
Des nouvelles législations en faveur des droits des minorités racisées et homosexuelles aux luttes menées par des féministes telles que Angela Davis, la génération X aura vécu en plus les premières dépendances aux jeux vidéo et assisté aux prémisses d’Internet.
Face au cadre projeté de téléviseur, nous sommes tantôt des enfants X en train de nous abreuver de musique rock, punk, disco, tantôt nous regagnons comme spectateurs nos âges respectifs. Certain.es sont sans doute nostalgiques, certain.es portent leur attention à l’aspect performatif du solo quand d’autres suivent une trame historique avec la simple envie d’apprendre.
Mais attention, il ne s’agit pas d’une apologie du passé. L’artiste s’ancre dans le présent pour nous raconter l’environnement historique dans laquelle une génération s’est construite. Sa lecture des faits est actuelle et en ce sens, critique.
Who, What, Where, When, Why?
Finalement, on ressort de ce spectacle davantage avec un bagage de culture et un récit biographique de l’artiste qu’une définition exhaustive de ce concept de génération X. Laissons faire les regards étroits et les dérisions intergénérationnelles. De toute façon, on se définit davantage par nos sensibilités et nos volontés. Rick Miller n’est pas un essayiste sociologue et ne prétend pas l’être.
À ce titre, il aura accompli par ce solo l’acte de nous divertir et de nous amener sur la rive X, là où on peut puiser culture et inspiration.
Rick Miller dans «Boom X» au Diamant en images
Par Craig Francis, Trudie Lee, Irina Litvinenko,
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