ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Andrée-Anne Laroche
Connecter 3 acteurs, 3 villes, 3 publics
Le principe de Bluff est simple: tout au long des trois jours où le spectacle sera présenté, le trio d’acteurs et d’actrices – Sarianne Cormier, Étienne Jacques et Véronique Pascal – se connecteront au même moment dans une salle différente du Québec, devant les spectateurs.
Au-delà de l’envie de «créer un événement rassembleur entre trois villes, où trois publics seront connectés», Mireille Camier explique que «Bluff permet de toucher aux thèmes de l’authenticité, des relations à distance, de notre identité sur le web et de ce qu’on projette comme image virtuelle, en plus de saisir comment ces aspects ont émergé avec la technologie.»
Ainsi, inspirée par un projet de la Société des arts technologiques (SAT), elle a voulu faire quelque chose sur-mesure utilisant leur système, «l’idée étant de se connecter à plus grande échelle, entre plusieurs publics au niveau du territoire, tout en gardant en tête de se réunir.»
Afin de renforcer la connexion entre les différents publics et les trois acteurs, «Il y a beaucoup de trialogues qui sont interreliés, interconnectés avec des phrases courtes où les trois personnages sont vraiment ensemble, que ce soit visuellement ou à travers les mots», explicite-t-elle.
«Chaque scène est un tableau où chaque lieu offre un point de vue complet sur ce qu’il se passe dans le spectacle.»
La technologie, un tremplin pour la construction de notre image sociale
Outre la mise en évidence de l’influence que la technologie peut avoir sur nous, Bluff va encore plus loin et se sert de cette prémisse comme d’un tremplin pour évoquer l’image qu’on cherche à véhiculer auprès des gens qui nous entourent. «Au fond, dans l’histoire, chaque personnage a une façon d’être socialement et questionne son authenticité lorsqu’il est en public, ainsi que la façon dont il se représente au monde.»
Selon Mireille Camier, par exemple, le personnage d’Étienne porte sa réflexion autour de comment il se présente à son amoureuse, pendant que Sarianne remet en question ses rapports avec ses ami.e.s, puisque sa personnalité très forte en présence d’autres personnes contraste avec le sentiment d’honnêteté qu’elle ressent lorsqu’elle est seule.
En fait, ce sujet est d’autant plus pertinent lorsque l’on pense à l’identité virtuelle qu’il est si facile d’adapter selon nos envies et nos standards, et ce, dans une ère où les échanges passent autant par le numérique.
En effet, des aspects tels que l’authenticité dans nos relations à distance, la façon dont on «fabrique» nos vidéos et dont on se présente en visio sont loin d’être négligeables. «Tout ce qu’on a vécu pendant la pandémie a été très fort pour notre identité», précise la metteure en scène. «Tout le monde s’est questionné sur son rapport au virtuel et sur comment on vit ses relations à distance, lorsque ce n’est pas physique.»
Vivre une expérience collective
Une chose est sûre, il était justement inconcevable pour l’équipe de création de céder à l’appel d’une diffusion entièrement numérique quand la pandémie est venue contrecarrer ses plans, début 2021. «Nous voulions que trois publics se réunissent en salle pour vivre une expérience collective. On a réfléchi à toutes sortes de façon de faire pour déployer Bluff virtuellement, mais on perdait l’authenticité et l’essence du projet.»
D’ailleurs, en salle, le fait de mélanger jeu sur place et jeu virtuel a parfois permis de faire des constatations surprenantes et intéressantes: lors des résidences, les atomes crochus que le spectateur avait avec un personnage (dans sa façon de penser ou via les sujets qu’il abordait) pesaient plus lourd dans la balance que la proximité qu’il pouvait ressentir avec le comédien qui était dans la même salle que lui. «Au bout du compte, c’est peut-être un personnage à distance qui va quand même plus rejoindre le spectateur, parce qu’il lui ressemble et parle des thèmes les plus proches de lui», révèle la metteure en scène.
Malgré des questionnements sociétaux réels et un dispositif virtuel créant une certaine distance avec une partie des comédiens, Mireille Camier ne doute pas que les spectateurs qui assisteront à Bluff passeront un excellent moment.
«C’est un spectacle qui est quand même assez lumineux!», s’exclame-t-elle. «Il y a beaucoup d’humour, le public est amené à participer et nous aide parfois à faire certaines choses. C’est très festif à travers une confidence aussi profonde!»