«Art» au Théâtre du Rideau Vert avec Martin Drainville, Luc Guérin et Benoît Brière

Si la pièce semble accorder une place majeure à l’art, de par son titre et sa prémisse, le sujet devient un prétexte pour étaler une amitié déficiente entre trois hommes aux caractères diamétralement opposés. Marc, intransigeant face au tableau, et avec toute sa condescendance, initie un conflit à force de railleries à l’égard de Serge, détenteur de la toile.

Yvan, lui, expose sa nature passive et soumise. Un être beige et sans opinion, qui cherche constamment le consensus, évitant à tout prix les conflits. Interprété par Luc Guérin, ce personnage est le plus risible des trois, mais le plus drôle à la fois. L’acteur maîtrise les rouages de la comédie.

Contrairement à ses complices qui n’ont qu’à servir des simagrées établies, le jeu de Guérin est nuancé. Son personnage est doté d’une naïveté qui déclenche à coup sûr une effusion de rires.

Yasmina Reza, dramaturge française dont la pièce Art a été traduite en trente-cinq langues, et qui fut montée sur les planches du Rideau Vert vingt-trois ans plus tôt, livre un texte ponctué de répliques savoureuses, bien que certains dialogues semblent dépasser le cadre de l’amitié. On croirait entendre une chicane de couple, notamment lorsque le personnage de Marc se pose en être supérieur face à ses amis, avouant librement les «avoir façonnés». Plutôt étrange et incongru.

Toutefois, la dramaturge caricature bien l’élite et le glamour associé aux arts. Pour juger de la valeur et de la pertinence d’une oeuvre, doit-on posséder des codes pour les interpréter? La crédibilité et la célébrité d’un peintre déterminent-elles la valeur monétaire d’une oeuvre? Doit-on avoir des arguments de béton pour admettre ouvertement et franchement détester une oeuvre? Pourquoi l’art s’avère-t-il un sujet épineux parfois?

Bref, vous ne serez pas déstabilisés en voyant la pièce Art. Une pièce qui semble conçue sur mesure pour un public fidèle, friand de comédies légères. Cependant la scénographie est particulièrement léchée. Le décor, linéaire et épuré; les éclairages, sophistiqués.

Bien que les monologues soient soulignés grossièrement (l’acteur s’adresse au public, plongé sous un faisceau de lumière),  une technique peu recherchée et sans ludisme, force est d’admettre qu’esthétiquement, c’est tout simplement beau.

Sans réinventer la roue, si vous n’avez jamais eu la chance de voir trois acteurs de haut calibre en matière d’humour, c’est votre chance jusqu’au 2 mars 2019 au Théâtre du Rideau Vert.