ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Jules Bédard
Je n’ai pas pu faire autrement que de penser à Table rase, grand succès théâtral de Catherine Chabot, lorsque j’ai mis les pieds dans la salle de la maison de la culture Maisonneuve. Les spectateurs s’installaient dans leur siège dans une ambiance de fête, pendant que les trois acteurs de la pièce, déjà présents sur scène, s’enfilaient des shooters et chantaient à tue-tête.
Dès que le spectacle a officiellement débuté, la ressemblance avec les procédés de Catherine Chabot s’est estompée, pour laisser place à une œuvre bien singulière.
À GO, on criss le feu dresse un portrait des générations X-Y-Z, oui, mais avec des propos universels à travers lesquels tout le monde peut se reconnaître. Le texte d’Ève Landry, jeune artiste déterminée et poétesse autodidacte, a été composé à partir d’extraits de son blogue Les fausses vérités, et a été adapté à la scène avec l’aide de Valery Drapeau, codirectrice artistique, auteure et metteure en scène pour Une autre compagnie de théâtre.
La pièce est constituée d’une série de monologues poétiques portés par trois voix, soit celles de Marc-Antoine Sinibaldi et Aline Winant, deux finissants du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, que l’on se plaît à découvrir à travers les mots de la jeune auteure, également interprète de ses propres écrits.
Tour à tour, une des âmes écorchées du trio d’amis prend la parole et partage parfois une crainte, parfois une fierté, mais toujours un propos très actuel, livré dans une poésie crue et contemporaine qui nous touche et nous fait rire à la fois.
À travers une écriture où s’entrecroisent girl power et vulnérabilité, À GO, on criss le feu raconte la soif de vivre, le désir d’accomplissement, la succession de soirées festives et de lendemains de veille, mais surtout, l’avant-pendant-après des histoires d’amour qui nous bouleversent, mais nous rendent vivants.
En plus de nous présenter un magnifique texte, il faut souligner la performance d’Ève Landry, qui joue pour la «première fois» sur scène. Bien que j’aie apprécié l’interprétation de tous les acteurs, je dois avouer avoir eu un coup de cœur pour son interprétation des plus justes et son naturel désarmant. Son jeu, criant de vérité, m’a conquise et est véritablement arrivé à me toucher.
Des enchaînements fluides
Les monologues, tous porteurs d’un différent cri du cœur, s’enchaînent à travers une série de tableaux suivants une chronologie spatiotemporelle imagée. Avec un simple changement de costume, l’ajout d’un accessoire ou d’une trame musicale, nous sommes transportés dans les étapes du quotidien d’une jeune âme montréalaise en quête d’identité. On passe d’un party de cuisine au lendemain de veille dans le salon, d’une soirée à la Rockette à un nouveau mal de tête sur le balcon, ou encore à un anniversaire au parc Laurier.
Les tableaux se fondent les uns dans les autres, à travers un décor des plus simples et épuré, mais utilisé à son plein potentiel, grâce à la mise en scène inventive de Valery Drapeau. Son travail, débordant de créativité, a su mettre en valeur les mots de la jeune dramaturge avec qui elle faisait équipe pour la première fois.
À GO, on criss le feu, dans laquelle on se reconnaît dans les habitudes du quotidien, l’analyse parfois très critique que l’on fait de soi-même, les références à la vie montréalaise, le désir de s’accomplir, les relations amicales et les patterns d’histoires d’amour, fût une magnifique découverte. La poésie d’Ève Landry, drôle, sensible et à la portée de tous, a été pour moi une véritable révélation. L’inventivité de Valery Drapeau m’a subjuguée. Cette création, que j’oserais qualifier de réussie en tout point, m’a complètement happée.
La pièce du duo d’inspirantes créatrices sera présentée dans un appartement de la rue Beaubien le 9 août prochain dans le cadre de SOIR, autre plateforme laissant la place aux artistes émergents, toutes disciplines confondues. Ne ratez pas votre chance!
«À GO, on criss le feu» d'Ève Landry en images
Par Jules Bédard
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