Théâtre
Crédit photo : Tous droits réservés (En couverture: «Les lettres arabes 2» à Espace Libre)
Les pièces qu’on va toujours se plaire à revoir
«Tartuffe», du 27 septembre au 22 octobre 2016, Théâtre du Nouveau Monde
Un Molière, certes, mais un Molière revisité par Denis Marleau, l’un des metteurs en scène incontournables du Québec, qui a eu la vision et l’audace de placer le classique personnage au Québec, en pleine Révolution tranquille, c’est très rafraîchissant! Alors que la religion catholique s’effondre, l’imposteur qu’est Tartuffe n’aura aucun mal à troquer l’orgue pour la guitare, mais il en profitera aussi pour bénéficier de cette zone grise, de ce moment d’incertitude où les gens ne savent plus où placer leur foi et leurs croyances.
C’est aussi la force du duo formé par Marleau – Benoît Brière en Orgon, père de famille exemplaire mais crédule, et Emmanuel Schwartz en hypocrite Tartuffe – qui donne envie dans cette production, alors qu’on imagine très bien l’air coquin de Schwartz en train de bouleverser complètement la vie de cette petite famille qui ne cherchait simplement qu’un guide spirituel pour traverser cette ère de changements, et la bouille dépassée de Brière, qui pourra tanguer vers le comique avec ce personnage naïf. Avec notamment Anne-Marie Cadieux, Monique Miller, Carl Béchard et Violette Chauveau pour compléter l’impressionnante distribution, on a hâte de redécouvrir ce classique dans une réalité plus près de nous.
Texte de Molière, mise en scène de Denis Marleau.
«Caligula», du 14 mars au 8 avril 2017, Théâtre du Nouveau Monde
Au tour de René Richard Cyr de s’attaquer à un texte intemporel et admiré: le fameux Caligula, cet empereur romain que Camus a imaginé en homme aux désirs insatiables et qui veut toujours aller plus loin. C’est au remarquable Benoît McGinnis qu’on a très justement confié l’interprétation de ce personnage grandiose. Sa prestance et son charisme sauront très bien dépeindre les obsessions et la détermination de Caligula qui, puisqu’il trouve que le monde tel qu’il l’est est insupportable, décide de le bousculer et de le pervertir pour voir jusqu’où l’horreur peut aller et si la liberté a des limites.
Pour compléter la distribution, des comédiens de renom tels que Benoît Drouin-Germain, Macha Limonchik, Étienne Pilon, Éric Bruneau, Louise Cardinal et Jean-Philippe Lehoux, qui sauront assurément se démarquer malgré la brillance promise de McGinnis. On a aussi hâte de constater si le fait de placer l’action dans le Paris des années 40, là où la pièce a été créée, plutôt que dans la Rome antique, aura un impact positif. Après tout, cette époque où est née la pensée contemporaine et où on croyait que tout était possible se prête très bien au sujet!
Texte d’Albert Camus, mise en scène et dramaturgie de René Richard Cyr.
La trilogie du futur («L’assassinat du président», «Épopée Nord», «Clotaire Rapaille: l’opéra rock»), du 31 mars au 8 avril, Théâtre Aux Écuries
Le théâtre du futur, né de l’alliance de Guillaume Tremblay, Olivier Morin et le multi-instrumentiste Navet Confit, n’a pas peur de bousculer. Avec ses trois créations hyper originales qui inventent un futur au Québec entre 2021 et 2045, le groupe a non seulement fait rire un bon coup, mais aussi brisé des conventions, tout en insufflant en filigrane de leurs textes de grandes remises en question sur notre société.
Du théâtre-radio avec effets sonores durant lequel Gilles Duceppe, de retour du Québec après un long exil, fait finalement accéder la province à la souveraineté (L’assassinat du président) à l’histoire de rédemption de Clotaire Rapaille, gourou du marketing international qui a semé la controverse à Québec (Clotaire Rapaille: l’opéra rock), en passant par une espèce de soirée canadienne baignée dans le folklore qui voit enfin naître la vengeance amérindienne en 2035 (Épopée Nord), les pièces de cette trilogie sont aussi loufoques que pertinentes. C’est pourquoi, que ce soit dans leur trilogie complète (les trois spectacles en une même séance) ou individuellement, il faut absolument aller découvrir ces univers éclatés.
Textes d’Olivier Morin et Guillaume Tremblay, mises en scène d’Olivier Morin.
«Glengarry Glen Ross», du 3 au 13 mai 2017, Usine C
On l’a vue la saison dernière seulement, au Théâtre du Rideau Vert, cette pièce adulée de David Mamet. Mais de la façon dont Brigitte Poupart a choisi de la mettre en scène, en remplaçant tous les personnages de requins de l’immobilier qui mentent, intimident, corrompent, fraudent et volent pour grimper dans les échelons de ce milieu capitaliste par des femmes, c’est nouveau, et certainement audacieux. Avec des têtes d’affiche comme Micheline Lanctôt, Guillermina Kerwin et Marilyn Castonguay, notamment, cette relecture féminine a de quoi intriguer, d’autant plus qu’on connaît les grandes qualités de metteure en scène de Poupart.
Texte de David Mamet, traduction d’Enrica Boucher, mise en scène et adaptation de Brigitte Poupart.
À la page suivante, les pièces qui feront réfléchir sur notre société…