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Crédit photo : Tous droits réservés @ Vickie Grondin
Sortir des cadres pour éviter de se perdre dans une course contre la montre
À la fois chorégraphe et interprète wolastoq et québécoise, Ivanie Aubin-Malo se passionne pour la danse contemporaine. À travers son art, elle puise une énergie bienveillante pour transmettre des réflexions sur l’écologie et l’éthique humaine bien de leur temps.
«Quand j’ai été diplômée de l’École de danse contemporaine de Montréal, je me disais révoltée du temps, de la façon dont il était mesuré. Il en manquait toujours, ce n’est pas nouveau», a-t-elle expliqué en mentionnant qu’elle ne voulait pas s’imposer cette limite dans la danse, malgré les exigences de l’industrie.
L’artiste a révélé son enthousiasme face aux projets collaboratifs auxquels elle a d’ailleurs participé, puisqu’ils venaient combler son désir de rencontre, de durabilité et aussi de connexion avec son environnement.
Reconnecter avec son environnement et son ressenti dans le moment présent
Dans son présent spectacle intitulé Wahsipekuk: Au-delà des montagnes, elle raconte certaines traditions orales des peuples wabanakiak pour ensuite entrer dans la poésie de la danse, du chant et de la langue wolastoqiyik en relation avec le territoire.
Co-initiée par Natasha Kanapé Fontaine, la recherche artistique de ce projet s’est déroulée de façon multidimensionnelle, pour reprendre les mots d’Ivanie. En parcourant le territoire, elles ont multiplié les rencontres avec des gens issus des communautés de la Confédération Wabanaki regroupant les peuples Penobscot, Passamaquoddy, wolastoqiyik, Mi’kmaq et Abénaki. Parmi eux, elle a eu la chance de discuter avec des porteurs∙euses de savoir, des guérisseurs∙euses et des participants∙es à des cérémonies.
«Ça m’a amenée au géant Glooscap, aux Géants de l’univers, aux planètes, aux étoiles, à la lune, au soleil, à la Voie lactée… C’est devenu un itinéraire vers nos ancêtres, vers des connaissances anciennes pour reconnecter avec elles, puisque ces Géants-là ont encore un message à transmettre aujourd’hui», a rapporté la danseuse en évoquant ce travail préliminaire à la création du spectacle.
«La culture interagit avec les problèmes et les gens d’aujourd’hui, et c’est l’idée, justement, de pouvoir retrouver notre responsabilité, notre pouvoir d’interaction avec nos géants. L’intérêt est de rester à l’affût de ces entités présentes en territoire, créant un lien entre le passé, le présent et le futur», a-t-elle ajouté.
Elle explique d’ailleurs que l’image d’une entité, ou même d’une civilisation peut changer au fil des années, et ça ne veut pas dire qu’elles n’existent plus pour autant; elles se sont seulement adaptées au temps présent.
Rassembler ses découvertes pour pouvoir créer à son tour
Avec l’intention de mettre l’accent sur la vitalité, Ivanie s’est penchée sur sa perception du spectacle: «J’ai envie de donner un souffle à ces histoires-là et de les faire circuler parce que, si elles restent aplaties dans un livre, on demeure au premier niveau de l’entité… Elle n’est pas vivante; il faut l’élever, lui donner une circulation à travers nous».
À titre d’exemple, elle a précisé qu’elle reprenait souvent, lors de sa prestation, la forme d’un pétroglyphe (dessin d’un ancêtre créé dans les roches à partir d’une série de points) d’une femme qui accouche. «M’installer comme le pétroglyphe pendant le spectacle, ça me réaligne. Je me laisse des traces qui évoquent plein d’histoires pour amener les gens à être en relation avec une seule chose ou deux qu’ils vont se rappeler ou qui va avoir vibré tout le temps sans nécessairement être capté», a indiqué l’artiste.
«J’utilise aussi beaucoup le miroitement dans le spectacle pour évoquer les multidimensionnalités d’un projet, d’une vision, d’un problème, d’une frontière… C’est assez sombre, mais on fait briller les choses ou on les fait rebondir. Ce n’est pas juste à plat, ça permet d’élever une lumière, de pointer dans une direction, comme si on miroitait directement vers une montagne. Peut-être faudrait-il regarder à côté pour trouver une façon de s’y rendre…», a poursuivi la créatrice en élaborant quelques-uns de ces procédés artistiques.
Pour faire écho à l’histoire de la création de Glooscap, l’interprète combine les disciplines, les accessoires, les éléments de décor et la présence d’un musicien afin de former un tout. Comme elle le dit si bien: «On n’est pas en dualité, on n’est pas en dialogue, on est en “multilogue”». Elle livre donc cette performance au rythme de la musique de son grand ami de longue date, le violoniste Julian Rice (mi’kmaq et kanien’keha:ka).
Vous serez sans aucun doute charmés par les effets sonores qu’il vous a préparés au clavier et au violon électrique.