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Crédit photo : Susan Moss
DJ Carola ou l’art d’essayer de casser la glace d’un iceberg en vain
«Franchement, c’est vraiment ingrat d’être la première partie», a lancé d’une voix tonitruante une spectatrice très frenchy juste à côté de moi en s’adressant à son cercle d’amies, qui avaient l’air de trouver le temps long.
Son commentaire m’a fait sourire, car elle a dit à voix haute ce que je pensais déjà tout bas: c’est vrai que ça ne doit pas être évident de jouer devant une foule qui jase bruyamment, dos à la scène pour plusieurs!
Surtout qu’un DJ set, avec un∙e artiste debout derrière ses platines, qui lève le bras une fois de temps en temps comme un moniteur de camp de jour qui essaie d’attirer l’attention d’enfants turbulents, ce n’est pas la performance qui dynamise le plus une foule qui a envie que ça bouge.
Les 45 minutes de la performance de DJ Carola, originaire d’une ville nommée Porto Alegre, dans le sud du Brésil, se sont donc, vous l’aurez deviné, égrenées lentement, sans trop faire de vagues.
Et c’est dommage, car sur Spotify, ses chansons «Come With Me» et «Nunca Vai Mudar» sont vraiment excellentes, mais ce soir-là, c’est plutôt sa reprise de «Freed From Desire» de GALA qui a suscité des réactions du public!
Sofi Tukker ou l’art de faire fondre la glace de l’iceberg en deux temps, trois mouvements
Peu après 21 h, les lumières se sont éteintes pour laisser la place aux stars de la soirée, qui n’étaient pas venues seules! Comme lors de leur performance à Osheaga en 2023, Sofi Tukker était entouré d’une chaude compagnie: quatre danseurs se déhanchaient à leurs côtés à des moments clés de leur performance, apportant du soleil, du groove et un brin de folie!
Les spectateurs ont poussé alors de tels cris et acclamations pour les accueillir en grand que Tucker, qui venait tout juste de prendre place face au public, a joué au comique en envoyant la main vers le public, l’air de celui qui joue au modeste et qui trouve excessif les réactions à son égard. Pour une improvisation, c’était réussi, et il a bien réussi à nous faire rire!
L’écran géant derrière la scène s’est allumé, en même temps qu’une horde de projecteurs de lumières rouges et mauves, diffusant une projection hyper réaliste d’un manoir bordé de palmiers. C’est la pièce-titre «Bread», tirée de leur plus récent album sorti plus tôt cette année, qui a lancé le bal sans trop de mal.
Il faut dire que Sophie Hawley-Weld, avec son regard perçant, son sourire franc, ses tenues décontractées et sa longue queue de cheval attirent vite l’attention, tout autant que Tucker Halpern, cet ex-joueur de basket de six pieds qui s’est reconverti en musicien et producteur à la voix chaude et grave. Il n’y a pas à dire: ils font bien la paire ces deux-là!
En vrai, Sofi Tukker a le don d’éviter les temps morts: le party venait à peine de commencer qu’ils ont enchaîné avec «Best Friend», chanson phare de l’album de 2018 intitulé Treehouse, et dont les écoutes ont explosé depuis qu’elle a été choisie pour marquer le lancement de l’iPhone X d’Apple.
À ce moment du concert, la scénographie était vraiment spectaculaire: les projecteurs nous envoyaient des faisceaux de lumières vertes en plein visage, et sur l’écran géant, une animation nous donnait l’impression de circuler sur une avenue bordée de colonnades géantes aux concours néon, alors qu’un ciel d’un rose vif traversait le ciel.
Tucker, qui lançait des «I hear you!» et des «Wouh!», tout en tapant des mains, n’a pas eu trop de mal à interagir avec la foule, surtout lors du couplet à répondre: «Yo, you wanna meet me at the bar? (Ya) / Yo, you wanna meet me at the lounge? (Ya) / Yo, you wanna meet me in the club? (Ya) / Yo, you wanna meet me downtown? (Okay)».
Durant «Summer in New York», Tucker a repris sa basse pour marquer le rythme, pendant que Sophie, toujours majestueuse, levait les bras dans les airs en incitant la foule à se laisser aller. Visuellement, on avait changé de décor: exit les palmiers et l’exotisme de la jungle. Place aux gratte-ciels de la Grosse Pomme et à la girafe de Soft Animals qui déambulait au loin, l’air coquin.
Ensuite, les récents hits de la formation, qui font d’ailleurs belle figure sur BREAD, ont défilé les uns après les autres, de «Spiral» à «Original Sin», jusqu’à la très attendue «Throw Some Ass» – durant laquelle l’un des danseurs, le supposé «médecin» ayant soignée la chanteuse de ses douleurs chroniques au dos, nous a enseigné une chorégraphie mettant bien en valeur le popotin! – puis «Goddess in Disguise», «Hey Homie», «Perfect Someone» et l’exquise «Jacaré».
Ce bloc musical était la «preuve vivante» que Sofi Tukker a toujours le vent dans les voiles – ou le pain dans les voiles, devrais-je plutôt dire? En effet, à plusieurs moments du spectacle, les danseurs brandissaient des baguettes de pain, offrant par là un clin d’œil à la thématique du nouvel album, sur la couverture duquel Sophie porte une robe dorée surmontée d’une longue traine faite de pains de toutes les dimensions et de viennoiseries qui donnent franchement l’eau à la bouche!
La foule, de bonne humeur, comme rassasiée de vitamine D, n’était pas en reste, puisqu’un segment hautement dansant les attendait dans le détour: «Emergency», «Batshit» et «Purple Hat», entre autres, ont clôturé leur prestation dans un délire d’acclamations, d’éclairages éblouissants et de projections qui titillaient l’œil.
Comme toute bonne chose à une fin, Sofi Tukker a levé la main en guise d’au revoir, mais à voir l’agitation du public qui martelait le plancher du MTELUS, tout en scandant leur nom, ils sont revenus illico presto pour interpréter entre autres leur première chanson à vie, «Drinkee», durant laquelle Sophie Hawley-Weld a sorti son look de rockeuse pour interpréter à la guitare ce riff qui reste bien en tête!
J’ai un seul conseil pour vous: quand ils reviendront en ville, n’hésitez pas une seconde et courez acheter vos billets. C’est moins cher qu’un voyage dans le sud, et vous en ressortirez peut-être pas autant bronzé, mais au moins revitalisé et la bonne humeur dans le tapis!
La prestation haute en couleur de Sofi Tukker en images
Par Susan Moss
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de la rédaction